Titeuf, T'choupi, Oui-Oui, autant de héros de la littérature enfantine qui sont de sexe masculin. Il est plus difficile de citer des noms d'héroïnes, mais elles existent pourtant bel et bien, la preuve avec l'exposition "Diversifions nos bibliothèques" montée par Mariana Steiner, professeure associée à la HEP Fribourg et déléguée au bureau de la diversité et de l'égalité des chances.
Il existe ainsi de nombreux contre-exemples, de Fifi Brindacier à Dora l'exploratrice en passant par Martine ou encore Mortelle Adèle, qui remportent un franc succès chez les jeunes lecteurs. "Et il y en a de plus en plus", s'est-elle félicitée cette semaine dans le 12h30 de la RTS. "Mais il est vrai que la littérature de jeunesse reste quand même le bastion du genre, avec des livres qui sont passablement stéréotypés, que ce soit pour un public de garçons ou un public de filles", relève Mariana Steiner.
Les codes du masculin et du féminin ont la vie dure
Pour elle, si les stéréotypes de genre ont encore la vie dure dans les livres pour enfants, tout comme d'autres stéréotypes, c'est parce que la littérature de jeunesse ne fait que reproduire la socialisation différenciée dans laquelle les enfants évoluent. Tout comme les magasins de jouets, qui maintiennent des articles spécifiquement pour filles ou pour garçons, reproduisant les codes, les couleurs et l'imaginaire souvent attribués au masculin ou au féminin.
"Il y a cependant beaucoup d'auteurs et de maisons d'édition qui s'engagent pour rendre visibles d'autres héros et héroïnes. Pour nous, c'est important de les visibiliser", explique la conceptrice de "Diversifions nos bibliothèques". Une diversité qui se comprend d'ailleurs au sens large, incluant par exemple les enfants non-blancs, en situation de handicap ou, plus généralement, qui s'écartent des normes.
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Ce mouvement vers davantage de diversité dans les contenus destinés aux plus jeunes progresse y compris au sein des plus gros producteurs du secteur, à l'instar des studios Disney, qui s'apprêtent à lancer en 2023 un "film live" de la Petite sirène. L'héroïne sera incarnée par la chanteuse et actrice noire Halle Bailey, un choix qui a suscité la polémique sur les réseaux sociaux.
Un moyen de lutte contre le harcèlement scolaire
Aux yeux de Mariana Steiner, il est important de rendre visibles ces diversités. "La littérature de jeunesse est le support culturel numéro un pour les enfants. Dans leur lecture, ils ont tôt fait de comprendre quels corps, quelle famille, quels désirs sont admissibles", constate-t-elle en regrettant le manque de représentation des diversités.
"Ça maintient une forme d'ignorance qui a pour effet d'empêcher les projections identitaires des enfants, mais aussi d'alimenter potentiellement une certaine violence. On le voit notamment avec les questions autour du harcèlement scolaire (...) qui se base toujours sur des critères autour de la différence et vise des enfants qui ne sont pas dans la norme", alerte la professeure.
Propos recueillis par Yann Amedro
Adaptation web: Vincent Cherpillod