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"La petite menteuse" de Pascale Robert-Diard interroge la présomption de culpabilité

L'autrice Pascale Robert-Diard. [Editions L’ICONOCLASTE - Céline Nieszawer]
Entretien avec Pascale Robert-Diard, autrice de "La petite menteuse" / QWERTZ / 30 min. / le 29 septembre 2022
Avec "La petite menteuse", l’écrivaine et chroniqueuse judiciaire Pascale Robert Diard signe une fiction perturbante et réussie au cœur du débat #MeToo. Le roman, en lice pour le Prix Goncourt et le Prix Interrallié, questionne la véracité du témoignage ainsi que ses retombées judiciaires.

Les deux précédents textes de l’écrivaine française retraçaient des procès célèbres. D’abord l’affaire Agnès Le Roux dans "La déposition", sélectionné en 2016 pour le prix Femina, puis en 2021 l’affaire Gabrielle Russier avec "Comprenne qui voudra". Un récit pour lequel l’autrice s'était associée avec le documentaliste Joseph Beauregard afin d’y intégrer des images d’archives. Deux affaires qui ont fait grand bruit à des époques différentes de l’histoire.

Aujourd’hui, dans "La petite menteuse", un roman en lice pour le Prix Goncourt et le Prix Interrallié, Pascale Robert-Diard a décidé de prendre des libertés avec la réalité et d’imaginer une fiction du début à la fin.

Un commencement qui ne présage pas le mensonge

L’histoire paraît banale. Une jeune fille de 15 ans, Lisa Charvet, porte plainte pour agression sexuelle contre un ouvrier de quarante ans, Marco Lange. L’adolescente gagne le procès et l’homme se retrouve condamné à dix ans de prison.

L’histoire de "La petite menteuse" commence lors de l’audience en rappel, cinq ans après les faits. Lisa, devenue majeure, souhaite être défendue par une femme. Son choix se porte sur la coriace et excellente défenseuse du droit, Alice Kéridreux.

A son avocate, Lisa Charvet ose avouer qu’elle a menti. Mais pourquoi ce mensonge? La jeune fille lui raconte qu'à cette époque, elle allait mal. En pleine puberté, l'adolescente a été la première de sa classe à avoir des seins, et tous les garçons l’ont désirée. Pour se faire apprécier, elle traînait le soir avec une bande de mecs et, avec eux, essayait des choses d’adultes et découvrait ainsi la sexualité.

Le statut de victime

La réputation de fille facile a commencé alors à circuler au sein de l’école et tout le monde s'est mis à l'appeler "la petite salope". Une étiquette d’une violence inouïe pour cette jeune fille qui se forçait, pour se faire accepter du groupe, à effectuer des gestes érotiques. Puis un jour, tout bascule. Un de ses camarades de classe la menace de faire circuler une vidéo dans laquelle on la voit dans une position suggestive. Elle panique, sèche les cours, ne mange plus, cache son corps sous des vêtements amples. Ses notes scolaires dégringolent. Son enseignante s’inquiète, la questionne, lui demande si elle se fait abuser et spontanément Lisa répond "oui".

Mais après ce "oui", elle se tait et n’ose pas dire la vérité, de peur d’être jugée pour ce qu’elle a fait. Elle ment en accusant un plâtrier au regard bizarre qui était venu plusieurs fois effectuer des travaux manuels dans la maison de ses parents. Le statut de victime la conforte.

En devenant adulte, elle réalise que découvrir son corps et la sexualité n’était pas si mal et qu’elle était en fait une victime - non pas de Marco Lange - mais de la misogynie des garçons de son âge.

Un doute nécessaire?

Pour Pascale Robert-Diard, il est nécessaire de toujours douter, et le projet de son livre est clair.

Le but n’était évidemment pas de s’inscrire contre #MeToo, aucune femme ne pourrait vouloir ça, car on bénéficie toutes de la libération de la parole. Ce que je crains cependant, c’est la bascule de l’autre côté. La parole doit toujours être remise en doute, par des juges en tout cas. Avant la parole, on ne la croyait pas et je pense qu’il ne faut pas pour autant la croire absolument. Il faut toujours douter.

Pascale Robert-Diard

Au vu du nombre de femmes contraintes au silence ou qui ne sont pas prises au sérieux, il n’est pas étrange d’être interpellé par le but du texte. Dans son récit, l’écrivaine française parvient avec brio à mettre en lumière les zones grises et la norme bien-pensante. Pourtant le doute est à double tranchant. En filigrane plane cette question: est-ce que c’est vraiment le bon moment? A méditer.

Layla Shlonsky/aq

Pascale Robert-Diard, "La petite menteuse", ed.L’Iconoclaste.

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