Simon a quatorze ans, il vit dans un quartier populaire de Londres. Il est plutôt grassouillet, aimé par sa maman, ignoré par son papa et persécuté par les jeunes de son âge.
Un jour, sur les conseils d’une voyante, il joue aux courses tout son argent (une livre et 99 pences) et les économies de son père (mille livres), subtilisées dans une cachette. Manque de bol, il trouve le quinté dans l’ordre et pourrait bien empocher la coquette somme de 16'253'456 livres et 50 pences.
Pourquoi est-ce une malchance? Car il est mineur. Il suffirait que sa mère lui signe son bordereau pour ramasser le jackpot, mais celle-ci est retrouvée dans le coma sur le sol de sa cuisine. Elle a visiblement été estourbie par son mari, furibard de la disparition de ses économies.
Un voyage anglais
Simon, aidé par un ami très proche (peut-être trop) de sa mère, va tenter de retrouver son père pour récupérer sa fortune maudite. Son chemin va l’emmener aux quatre coins de l’Angleterre. Il croisera des bikers agressifs, une baleine bleue explosive et même Darth Vader.
Cette aventure, durant laquelle tous les espoirs sont déçus et où l’enfant devient un homme en traversant l’adversité et les tripes d’un cétacé, est remplie d’humour.
Bande infographiée
"La couleur des choses" est une bande dessinée réalisée entièrement en infographie. Martin Panchaud utilise une méthode déjà expérimentée pour son projet SWANH, dans lequel il résumait "La guerre des étoiles" sur 123 mètres de long.
Martin Panchaud a développé un style très personnel pour exprimer sa créativité. Les protagonistes sont vus d’en haut et représentés par des ronds de couleurs sur un plan. Un trait les relie aux dialogues. Parfois, des détails sont mis en avant par une illustration plus détaillée - le fonctionnement d’un pistolet électrique, la carte du flux migratoire des baleines -, mais pas de dessin à proprement parler.
S'imaginer des visages
Dans ce livre, Martin Panchaud fait travailler notre imagination. Il la nourrit, nous donne des décors, des dialogues, des détails et une histoire passionnante. Le visage des protagonistes est ainsi différent dans la tête de chaque lecteur. Les aventure de Simon sont palpitantes et on s’accommode vite de cette drôle de forme qui devient finalement naturelle.
La conception du livre a été est rocambolesque. Martin Panchaud est Genevois. Encouragé par le succès de son projet "Star Wars" et par l’enthousiasme de ses connaissances dans le milieu de la BD genevoise, il a écrit "La couleur des choses" en français. Hélas, son livre ne trouve pas grâce aux yeux des éditeurs romands. Trop bizarre, trop cher, trop compliqué, pas assez dans la ligne éditoriale.
Une première parution en allemand
Mais Martin Panchaud ne se décourage pas. Comme il habite Zurich, il se tourne vers la maison Edition Moderne. L’éditeur indépendant flaire le bon coup et publie en 2020 le livre en allemand.
C’est le succès! "Die Farbe der Dinge" rafle le prix Delémont'BD de la meilleure première oeuvre suisse de bande dessinée 2020 ainsi que le Prix suisse du livre jeunesse 2021. Il est nommé Bande dessinée de l’année par le quotidien berlinois Tagesspiegel et est nominé pour le prix Max et Moritz (la plus importante distinction de la bande dessinée en Allemagne).
>> A lire aussi : Martin Panchaud reçoit le Prix suisse du livre jeunesse
Ce succès germanophone attire l’attention des éditions françaises çà et là. Cette maison d’édition a pour vocation de n’éditer en français que des traductions de bandes dessinées. Serge Ewenczyk, son fondateur, déniche des perles du neuvième art au Brésil, en Autriche ou en Thaïlande. Avec "La couleur des choses", il édite pour la première fois, grâce au manque de vision des éditeurs francophones, un livre qui à l’origine est écrit en français. Une aventure farfelue, à la scène comme à la ville, mais avant tout un livre furieusement drôle. Vivement la suite!
Didier Charlet/mh
Martin Panchaud, "La couleur des choses", éditions ça et là.