Dans "Vivre vite", la romancière Brigitte Giraud évoque la mort de son compagnon il y a une vingtaine d'années, quelque part à Lyon. Ce jour-là, Claude qui devait aller chercher leur petit garçon à l’école, démarre trop vite à un feu, avec une moto trop puissante qui n'est pas la sienne. Il tombe et ne s'en relèvera pas.
Ce deuil impossible, la romancière l’avait déjà évoqué en 2001 dans "À présent". Vingt ans plus tard, alors qu’elle a décidé de vendre la maison où Claude n’aura jamais vécu, elle reprend la plume pour ausculter toutes les circonstances qui ont provoqué un drame qui reste, pour toujours, absurde. Et s’ils n’avaient pas acheté une maison dans ce quartier-là? Et s’il n’y avait pas eu une moto dans le garage? Et si elle n’était pas allée à Paris ce jour-là?
Plutôt qu’un récit linéaire, Brigitte Giraud propose un puzzle. A travers chaque chapitre, l’observation des choix des protagonistes la conduit à construire une très fine analyse sociologique et politique.
>> En lire plus : Dans "Vivre vite" Brigitte Giraud fait la généalogie d’une disparition
Un scrutin très serré
Brigitte Giraud est la première autrice à recevoir le plus prestigieux des prix littéraires francophones depuis "Chanson douce" de Leïla Slimani en 2016, et la 13e femme récompensée depuis la création du Goncourt il y a 120 ans. Elle succède au Sénégalais Mohamed Mbougar Sarr qui l'avait obtenu en 2021 pour son roman "La plus secrète mémoire des hommes".
Elle l'a emporté au 14e tour d'un scrutin très serré face à l'écrivain italo-suisse Giuliano da Empoli ("Le Mage du Kremlin" aux éditions Gallimard, déjà auréolé du Grand Prix de l'Académie française), grâce à la voix du président Didier Decoin qui compte double. Les deux autres finalistes étaient Makenzy Orcel pour "Une somme humaine" chez Rivages et Cloé Korman pour "Les Presque soeurs", aux éditions du Seuil.
"Peut-être que les mots aident à conjurer le sort", a-t-elle réagi après l'annonce du plus prestigieux des prix littéraires francophones. "L'intime n'a de sens que s'il résonne avec le collectif. (...) J'ai envie de penser que (les jurés) ont vu cette dimension beaucoup plus large qu'une simple vie intime, qu'une simple destinée".
Une autrice peu connue du grand public
Lyonnaise, native d'Algérie, Brigitte Giraud a écrit une dizaine de livres, romans, essais ou nouvelles. Elle a obtenu le Goncourt de la nouvelle 2007 pour le recueil "L'amour est très surestimé". En 2019, elle a été finaliste du prix Médicis pour "Jour de courage".
L'Académie Goncourt a fait le choix d'une autrice peu connue du grand public et pas habituée aux gros chiffres de vente, poursuivant ainsi un certain renouveau. En choisissant "Vivre Vite", les jurés Goncourt élisent un récit sobre et sensible, qui a été tout de suite bien accueilli par la critique.
afp/vajo/aq
Le prix Renaudot attribué à Simon Liberati pour "Performance"
Le prix Renaudot a été attribué jeudi à Simon Liberati pour "Performance" (éditions Grasset). Le 13e roman de l'ancien journaliste met en scène un écrivain septuagénaire qui renoue avec le feu sacré en écrivant un scénario sur les Rolling Stones. Parallèlement, il entame une relation avec une femme de près de 50 ans plus jeune que lui.
Simon Liberti a obtenu six voix parmi les membres du jury Renaudot et succède à Amélie Nothomb qui l'avait obtenu l'année dernière pour "Premier sang" (Albin Michel).
Outre celui de Simon Liberti, cinq romans étaient finalistes: "On était des loups" (JC Lattès) de Sandrine Collette, "Les Liens artificiels" (Albin Michel) de Nathan Devers, "Le Dernier des siens" (Anne Carrière) de Sibylle Grimbert, "Un chien à ma table" (Grasset) de Claudie Hunzinger et "Trouver refuge" (Gallimard) de Christophe Ono-dit-Biot.
Né en mai 1960 à Paris, Simon Liberati a notamment collaboré à différents magazines après des études à la Sorbonne. A 44 ans, il publie son premier ouvrage, "Anthologie des apparitions" (Flammarion), considéré par beaucoup comme un roman culte sur l'adolescence. Le personnage de son deuxième livre, "Nada exist" (2007) était un photographe de mode décadent.
Son troisième roman, "L'hyper Justine", a obtenu en 2009 le prix de Flore. Il raconte l'histoire d'un petit escroc fasciné par une jeune Anglaise mêlée à un projet cinématographique inspiré de Sade.
En 2011, il remporte le prix Femina pour "Jayne Mansfield 1967", sur l'actrice américaine et pin-up peroxydée au destin tragique.
Quatre ans plus tard, Simon Liberati consacre un livre à son ancienne compagne, la romancière Eva Ionesco.