"'Deep Me' est un thriller métaphysique dont les twists scénaristiques vous surprendront!", annonce la maison d'édition Delcourt dans son communiqué sur la nouvelle bande dessinée de Marc-Antoine Mathieu. Un ouvrage qui intrigue déjà par sa couverture: un titre noir sur un fond noir. Un noir intense qui se poursuit une fois la bande dessinée ouverte. Seuls les textes et les intercases (et encore, pas toujours) ressortent en blanc.
Un choix graphique osé pour raconter l'histoire d'Adam qui est plongé dans le coma. Il entend ce qui se passe autour de lui, mais ne voit rien et n'arrive à avoir aucun type d'interaction avec son entourage. Amnésique, il n'est qu'une conscience isolée et ne peut que penser.
Dans cette situation très inconfortable, Adam tente de comprendre qui il est et ce qu'il lui est arrivé. Petit à petit, des images fugaces lui apparaissent.
Tester les limites du 9e art
Le bédéiste français Marc-Antoine Mathieu a toujours aimé tester les limites du 9e art. En 1990, pour le premier tome de la série qui le fera connaître, "Julius Corentin Acquefacques, prisonnier des rêves ", il surprenait déjà les lectrices et lecteurs avec une page trouée d'une case, qui permettait donc de voir la case située sur la page suivante.
Au fil de ses ouvrages, on trouve des expérimentations graphiques de toutes sortes, telles que des collages ou une page de titre situé au milieu d'un album. Sa BD concept "3 rêveries" parue en 2018 contenait quant à elle un leporello, un bandeau de 7 mètres et demi de papier et un jeu de cartes.
Entre Kafka et Camus
Avec "Deep Me", Marc-Antoine Mathieu repousse encore plus loin l'expérimentation graphique et narrative. Ici, seul un tiers des pages comprennent peu ou prou des dessins. Et ça fonctionne. On glisse avec le protagoniste dans cette prison mentale dans laquelle il est enfermé et l'on partage avec lui, isolement, claustrophobie et questions philosophiques.
Le bédéiste français, qui a imaginé cette histoire lors d'un confinement, ce qui n'est certainement pas un hasard, explique dans une interview au journal Le Figaro que "'Deep Me' slalome entre Kafka, Borges, Soulages et Camus! Kafka est présent dans l'album par le sentiment d'impuissance qui s'y trouve distillé. Mais il y a également une énergie folle qui passe par l'envie de surpasser cette impuissance. Et là on retrouve Albert Camus qui écrivait: 'Il faut imaginer Sisyphe heureux'."
Une interview dans laquelle on apprend également que l'auteur a imaginé cette aventure comme un diptyque et qu'un deuxième tome qui s'intitulera "Deep It" viendra donc compléter celui-ci. De quoi se réjouir.
Andréanne Quartier-la-Tente
Sujet radio: Didier Charlet
Marc-Antoine Mathieu, "Deep Me", éditions Delcourt.