Le corpus exposé fait partie des quelque 50'000 publications que Michel Froidevaux, fondateur de la galerie Humus à Lausanne, a rassemblées au cours de sa vie. Cette collection, léguée après sa mort au Centre Maurice Chalumeau en Sciences des sexualités (CMCSS), constitue désormais le plus grand fonds dʹouvrages dédiés aux sexualités au sein dʹune bibliothèque européenne. Une collection pensée par-delà les catégories scientifiques, sociales, culturelles, et qui vient à la rencontre de nos savoirs et de nos expériences sur la sexualité.
Le 23 juin 2021, 600 cartons contenant plus de 360 mètres linéaires d’ouvrages et de périodiques consacrés aux sexualités sont arrivés à la Bibliothèque de l'Université de Genève. Michel Froidevaux a collectionné tout ce qui, à ses yeux, pouvait évoquer les infinies connaissances, expressions et fantaisies de la sexualité humaine, sans volonté de les hiérarchiser ni de les classer. "L’éros et la liberté sont consubstantiels", affirmait-il.
"Ouvrages indisciplinés à plusieurs niveaux"
Une approche imprégnée de liberté et d’anarchie qui permet notamment aux collections complètes de Playboy de côtoyer des traités médicaux du XIXe siècle, aux rapports Kinsey ou Hite (premières grandes études médicales sur les sexualités) de partager les rayons avec des "classiques" de la littérature licencieuse et libertine, des romans de gare érotiques, des bandes dessinées, des livres de cuisine, des albums de photographies, des dictionnaires, des anthologies de poésie ou de nouvelles, les premières revues gays et des revues pornos, allant du XVIIIe siècle à nos jours. Le tout en plusieurs langues, formats et rééditions.
"Ces ouvrages sont indisciplinés à plusieurs niveaux. Déjà, chez le collectionneur Michel Froidevaux, ces livres étaient classés d'une manière absolument par hiérarchisée ni linéaire. Il a rassemblé autant des prospectus, des imprimés très éphémères, que des traités de sexologie ou des livres du XVIIIe siècle. Donc il y a une indiscipline en termes d'assemblage de sa part. Et il y a aussi une indiscipline par rapport aux questionnements que cela a engendrés et aux traitement et catalogage pour une bibliothèque universitaire", explique à la RTS Pauline Guex, co-commissaires de l'exposition "Livres indisciplinés".
Questions provocatrices soulevées
L’exposition invite en tout cas à observer la manière dont les discours scientifiques et la culture populaire concernant le sexuel se sont côtoyés, (entre)mêlés et diffusés, rendant parfois très ténues les limites entre les divers types de propos et de perspectives.
Elle soulève aussi un certain nombre de questions qui pour être provocatrices n’en sont pas moins essentielles. Comme par exemple un manuel médical en sexologie et une revue pornographique ont-ils la même légitimité pour éclairer les connaissances sur le sexuel? De quelles manières leurs discours se rejoignent-ils ou se différencient-ils?
Propos recueillis par Ellen Ichters
Adaptation web: olhor
Exposition "Livres indisciplinés", Centre Maurice Chalumeau en Sciences des sexualités de lʹUniversité de Genève, jusqu'au 9 février 2023. Visite réservée aux plus de 18 ans.