Précisons-le d'emblée: la bande dessinée "La révolution des fourmis" n'a rien à voir avec le roman du français Bernard Werber qui porte le même titre. Dans l'histoire dessinée par Kevin Crelerot, les fourmis passent au second plan, elles vivent uniquement pour le collectif, et paradoxalement ne se révoltent pas.
L'intrigue imaginée par l'artiste vaudois suit le parcours d'un homme qui débarque dans un monde où l'unique objectif est de trouver des pépites rouges. "C'est une histoire qui parle d'aliénation au travail, du moment donné où l'on arrête de réfléchir à ce qu'on fait parce qu'on doit faire notre journée", explique Krel à la RTS.
Une révolution en profondeur
Au départ, le personnage principal est plutôt content d'arriver dans cette nouvelle société dont il ne connaît ni les règles ni les codes. Puis les jours s'enchaînent et se ressemblent: se lever, creuser, trouver des pépites, les échanger contre de la nourriture ou des outils plus performants, pour trouver davantage de pépites.
Après l'enthousiasme des premiers jours vient une certaine réflexion chez le héros. Réflexion renforcée par la présence d'un vieux marginal qui ne fait rien comme les autres. "Cette personne vit différemment, c'est possible, c'est énervant, mais ça remet en question", souligne Krel.
Une BD esthétique et sans dialogues
Pour dépeindre le monde froid et minéral dans lequel son personnage évolue, Krel a choisi des tons gris-bleu, tout au long des 120 pages de sa BD. Le rouge se retrouve à travers quelques éléments: les fameuses pépites, le seau et la pelle du protagoniste, et dans le monde des fourmis.
En ce qui concerne le texte, Kevin Crelerot admet qu'il aime observer, d'où la volonté de faire une histoire muette. Cette absence de dialogues fait d'ailleurs la force de l'histoire, car elle laisse place à différentes interprétations chez le lecteur.
Un produit 100 % vaudois
Il a fallu attendre plus de trois ans pour que "La révolution des fourmis" voie le jour, notamment pour des raisons financières. En Suisse, seuls de rares élus peuvent vivre de leur art. Kevin Crelerot a pour sa part travaillé au coup par coup, en dehors de ses heures d'enseignement à Ceruleum, une école d'arts visuels située à Lausanne. Une fois son histoire terminée, Krel s'est confronté au refus de plusieurs éditeurs, au motif qu'il n'y avait pas de véritable scénario et qu'il n'était pas connu.
C'est finalement Pépites.club, une librairie en ligne spécialisée dans la bande dessinée et basée à Lausanne, qui lui donne sa chance. Emballé par son travail et son univers, Pépites.club décide de le publier. C'est donc une double première, à la fois pour l'auteur et la toute nouvelle maison d'édition. A souligner aussi que "La révolution des fourmis" a été imprimée en terres vaudoises par les imprimeries Cavin à Grandson.
Sarah Clément
Krel, "La révolution des fourmis", éditions Pépites.club.