"Apprécier le cinéma c'est le redécouvrir, c'est l'apprécier plusieurs fois". Comme un bon livre! Cinéphile et cinévore, Patrick Ramuz absorbe de la pellicule comme d'autres leur dose de caféine quotidienne. Juriste, mais également critique cinéma tous les vendredis sur Radio Fribourg, Patrick Ramuz tombe amoureux du 7e art tout gamin.
Le cinéma populaire français des années 1970, tout comme le cinéma indépendant américain de la même période, lui procurent ses premiers émois. Puis arrive la permission d'aller voir des films en salle, et là, c'est une révélation. Car les blockbusters américains d'il y a quarante ans présentent cette particularité d'être à la fois des films divertissants, de qualité, mais également des films d'auteurs. A l'instar des "Dents de la mer", de "Chinatown" ou de "Voyage au bout de l'enfer".
Aujourd'hui, les choses ont changé. A Hollywood, la politique créative semble être reléguée derrière une machine à raconter des histoires, extrêmement codée et parfois lénifiante.
Plus on s'intéresse au cinéma aujourd'hui avec toutes les informations qu'on a, plus on a de recul sur ce qui se passe et plus, aussi, on a de la peine à entrer vierge dans ces blockbusters. Forcément, le regard est plus critique, mais pas blasé. Parce que de temps en temps, un film populaire est également un film d'auteur. Christopher Nolan est un auteur qui fait du blockbuster.
La migration du cinéma
Patrick Ramuz connaît par cœur les codes de l'usine à rêve. Le cinéma est une industrie. Garder la conscience des processus de production permet de s'en moquer gentiment. "Des Godard sont peut-être importants pour ceux qui font du cinéma, mais il faut ces films, ce cinéma populaire, pour passer les générations. On peut se demander quel est l'avenir du cinéma populaire grand public", s'interroge le critique qui voit petit à petit le cinéma d'auteur migrer vers les plateformes de streaming, avec, comme corollaire, la perte d'un métier important qui impose une vision, une ligne: celui du producteur.
"Ce qui est particulier, c'est que ces plateformes sont des studios, mais ils ne savent pas produire des films. Et en fait, un producteur sert aussi à imposer une gageure artistique. Actuellement, nous nageons en eaux troubles entre les gros films qui dominent le marché et les petits films, excellents, mais dont on n'entend pas forcément parler". Le cinéphile se perd dans les méandres des sorties et a peut-être tendance à retourner chercher le frisson, l'émotion, le rire, dans les films d'hier.
Le risque qui accompagne le point de vue n'intéresse personne. Mais sans cet aspect-là le cinéma est moins intéressant.
Un livre en forme de clin d'oeil
Un point de vue, c'est ce que propose Patrick Ramuz dans "Hollywood Trip". En regardant "Gladiateur", "Avatar", "Harry Potter", ou "X-Men", il s'en approprie leurs codes, remplit les blancs, les silences, réinvente les dialogues, fredonne la musique de "James Bond", parodie à la manière de la série des "Y a-t-il un flic…" ou de "Hot Shots".
Sans prétention, en plaisantant, le voici qui devient metteur en scène littéraire, cherchant ce que le réalisateur a voulu lui dire au-delà des mots, des images. "Le texte parodique n'existe plus tellement, explique Patrick Ramuz. Ce que j'ai essayé de faire, c'est de truffer mon livre de références à la pop culture. C'est un exercice avec ses limites. Faire intervenir Patrick Sébastien sur "Avatar", ça n'a aucun sens! De même que mettre des dialogues de producteurs dans "Wonder Woman". C'était amusant à faire. L'idée était de donner beaucoup de petites choses comme ça… des à-côtés. Beaucoup de choses qui s'entrechoquent dans ma tête à la vision des blockbusters".
Jouant modestement avec le côté incongru des situations, s'immisçant dans les processus créatifs, narratifs, des grosses machines hollywoodiennes, Patrick Ramuz signe une livre sous forme de clin d'œil d'un amoureux de tous les cinémas.
Catherine Fattebert/ld
Patrick Ramuz, "Hollywood Trip", ed. Faim de siècle.
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