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"Une disparition", Natsumi l’évaporée racontée par Daniel Bernard

La couverture du livre "Une disparition" de Daniel Bernard. [Editions Favre]
La couverture du livre "Une disparition" de Daniel Bernard. - [Editions Favre]
Au Japon, des centaines de personnes disparaissent chaque année sans laisser de trace. S'appuyant sur ce fait de société, l'auteur français Daniel Bernard tisse avec "Une disparition" un polar poétique où le véritable criminel est l’amour.

Avec "Une disparition", Daniel Bernard nous plonge dans cette culture japonaise si codifiée et dont certains rites nous échappent. L’évaporation en fait partie. Recommencer une nouvelle vie, sans que l’entourage ne le sache, est tout à fait toléré, peu importe le motif d’un tel acte. La protection de la vie privée joue en faveur de ces disparus, à condition d’en informer la police au préalable.

Chaque année, des centaines de personnes s’éclipsent clandestinement et en général, les Yakuza s’occupent de leur redonner une identité moyennant finance. D’ailleurs, le marché serait juteux.

Une disparition inquiétante

Le roman "Une disparition" de l'auteur français établi à Genève Daniel Bernard s’ouvre sur l’entrée de Tatsuya, paniqué, dans le commissariat du coin, pour signaler la disparition inquiétante de son amie Natsumi. Akira l’accueille et recueille sa déposition.

Ils se sont quittés ce matin à 5h30. Cela fait donc 18h que l’on est sans nouvelles de la jeune femme. Elle a envoyé un message électronique à 14h: "je suis perdue. Ne me rappelle plus. Je t’embrasse. N ". L’homme est confus mais calme. Il répète qu’il le savait, qu’il aurait pu le parier. Je me demande pourquoi.

Extrait de "Une Disparition" de Daniel Bernard

D’emblée, le policier tique. Les statistiques parlent en faveur du profiler Akira. A moins d’une rencontre malheureuse avec un psychopathe, le suspect numéro un en pareil cas appartient toujours au premier ou second cercle de connaissances de la victime. Or, ces temps-ci, à Tokyo, aucun tueur en série ne semble sévir.

Pour Akira, ce type qui lui fait face n’est pas clair. Tatsuya s’est sûrement embrouillé avec sa copine et tente de maquiller un homicide en disparition inquiétante. Malgré ses protestations, l’homme est placé en garde à vue, puis en détention provisoire.

Débute alors une brumeuse traque à la disparue; mais sans corps, difficile de mener pareille enquête. D’autant plus que l’évaporée était discrète: Tatsuya et Natsumi ne se voyaient que pour faire l’amour. Akira tente de rassembler les pièces du puzzle, mais plus il avance, plus il s’enlise. Qui est cette femme conductrice de train, la première à avoir obtenu le permis de piloter le Shinkansen? Quel est son passé? Qui sont ses parents, ses amis? Et ce Tatsuya, modeste employé d’une horlogerie, qui est-il lui aussi? A quel point était-il attaché à Natsumi? A-t-il tué sa dulcinée? Et pourquoi n’a-t-on jamais retrouvé le corps? Pas si simple d’obtenir des réponses, d’autant que le message de Natsumi envoyé sur le téléphone portable de Tatsuya ne laisse que peu de place au doute. Elle s’est évaporée! Mais pour échapper à quoi ou à qui?

>> A écouter: l'interview de Daniel Bernard à propos de son livre "Une disparition" :

Portrait de Daniel Bernard, auteur. [DR - Yannick Leleu]DR - Yannick Leleu
Entretien avec Daniel Bernard, auteur de "Une disparition" / QWERTZ / 29 min. / le 21 février 2023

Un polar poétique rondement mené

Pour son nouveau roman, Daniel Bernard tisse sa toile autour du Hazukashii, la honte qui vous accable après avoir fauté ou simplement parce que vous n’êtes pas dans la norme. Un sentiment tellement violent qu’il vous pousse à disparaître. C’est le cas d’anciens toxicomanes ou alcooliques, d’accrocs au jeu ou de criminels repentis. L’évaporée Natsumi aurait-elle emprunté l’une de ces voies? Enquêter sur elle revient à évoquer la Seconde Guerre mondiale, le tsunami de 2011 et la fierté nationale: le Shinkansen, les trains ultra-rapides du Japon.

Au fil des pages, Daniel Bernard dresse le portrait de gens ordinaires plongés dans une histoire ordinaire. En évitant de traiter cette affaire sous l’angle des Yakuza, il nous offre un récit sans pétarade, sans course-poursuite, sans violence, mais tellement plus subtil, sur les raisons profondes qui poussent une femme à se retirer de la société, sur la réaction de ses proches, sur la difficulté pour un policier d’éviter de laisser ses sentiments troubler son enquête. Un polar poétique rondement mené qui, contrairement au Shinkansen, prend son temps, et où chacun des protagonistes déraille.

Philippe Congiusti/aq

Daniel Bernard, "Une disparition", éditions Favre

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