Avec "Eloge de l’alouette", Francis Grembert rend hommage à un oiseau poète

L’alouette des champs est l’oiseau d’enfance de Francis Grembert. Une enfance passée dans le Nord de la France, dans les Ardennes, près de la frontière belge. Associé à la campagne et au monde paysan, ce petit passereau si discret et particulier n’a eu de cesse de le surprendre. En entonnant son chant d’une grande sophistication, aux variations inouïes, l'alouette lui a fait lever le nez au ciel à de multiples reprises. Lui et son frère en avaient fait leur oiseau "choisi".

Je ne savais pas que la musique pouvait être animale. Je la croyais réservée à la radio et à la télé, à Joe Dassin pour aller siffler sur les collines, ou aux hymnes de Beethoven. J’ignorais que la nature nous donnait des sons et des mélodies capables d’agrandir nos vies. Je vous dois d’avoir compris cela tôt dans ma vie et je vous en remercie.

Inspiré par Romain Gary publiant dans le Figaro Littéraire sa lettre à l’éléphant intitulée "Monsieur et cher éléphant", Francis Grembert choisit la forme épistolaire pour dire son amour à l’alouette. En la convoquant, ce sont aussi ses souvenirs qu’il fait resurgir, et du début à la fin de sa missive, le poète, tel l’artiste délaissé par sa muse, espère son retour. L’éloge devient presque supplique.

Un symbole de joie

En plus de lui tirer le portrait, l’auteur, sans les répertorier, raconte les apparitions de l’oiseau dans les mythologies, les légendes, et les œuvres d’art. Il rappelle les expressions, locutions et le vocabulaire qu’elle habite désormais. Omniprésente dans le registre littéraire, elle est pour les écrivains, y compris les poètes, symbole de joie.

De la culture populaire à la culture élitaire, l’alouette apparaît jusque dans les journaux et écrits des soldats britanniques de la Grande Guerre, période et matière textuelle que l’auteur connaît bien. Au plus fort des combats, la présence indéfectible des larks (alouettes en anglais) et de leur chant incarnent l’espoir et l’entêtement de la nature à vivre inexorablement, et ce malgré la désolation des champs de bataille.

L’homme tue. Il tue la faune, la flore, les cycles naturels, les paysages, les continuités. Il tue l’alouette.

>> A écouter: entretien avec Francis Grembert pour son livre "Eloge de l'alouette" :

Editions Arléa

En colère contre l'être humain

"Eloge de l’alouette" se fait pamphlet lorsqu’il s’agit de distribuer les responsabilités de la disparition de l’oiseau qui semble programmée, en même temps que celle de beaucoup d’autres espèces avec lui. Francis Grembert n’hésite pas à pointer du doigt les coupables, il exprime sa colère vis-à-vis de l’humain qui par ses choix et désormais ses non-choix, met en péril la vie dans ce qu’elle a de plus précieux, sa diversité.

Dans un ultime sursaut, il invite à écouter les poètes, et à reprendre joyeusement leurs mots en allant les chanter sur les terrasses des cafés et dans les préfectures.

Céline O’Clin/aq

Francis Grembert "Eloge de l’alouette" paru aux éditions Arléa.

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