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"Star", le roman d’amour du cinéma de Guillaume Poix

Guillaume Poix. [Gallimard.fr - Francesca Mantovani]
"Star" de Guillaume Poix, cinéphile amoureux / Vertigo / 4 min. / le 4 avril 2023
"Star", récit signé Guillaume Poix, est un sac de mystères aussi passionnant qu'un polar doublé d'un récit d’amour. Amour passion pour le cinéma, ses films culte, ses légendes et ses mystères, comme Ariel A. Winthrop, le figurant ultime qui a tout orchestré même sa disparition.

Il s’appelle Ariel A. Winthrop. Et vous le connaissez très bien. Son nom ne vous dit pourtant strictement rien. Vous seriez également bien incapable de vous souvenir de son visage et encore moins de sa voix: il ne parlait jamais. Pourtant vous l’avez déjà vu. Revu. Et encore revu. Au cinéma, à la télévision, dans une grosse centaine de films, tous des classiques, des succès, des films culte. Comédies, films d’action, drames, horreur, cinéma jeunesse, il n’y a pas un genre qu’il n’ait exploré. Ariel A. Winthrop, c’est le roi de l’apparition, l’empereur du fugace, le champion de l’éphémère. Tous les grands noms d’Hollywood l’ont engagé. Ariel A. Winthrop était figurant. Ou plutôt LE figurant.

Apprenti comédien ni doué ni prometteur, le narrateur de "Star", roman de Guillaume Poix, découvre Ariel A. Winthrop via la comédienne française Nicole Garcia, un soir où la consommation excessive d’americano délie les langues et ramène les souvenirs à la surface. Nicole Garcia a tourné pour et avec Ariel A. Winthrop, dans le seul film qu’il n’ait jamais réalisé et où il tient le premier rôle en compagnie de la comédienne. Ce film s’appelle "Miss None " et vous ne pouvez pas le connaître: Ariel A. Winthrop en a brûlé l’unique copie.

Lutter avec Brad Pitt dans "Fight Club"

On trouve les scènes dans lesquels Ariel A. Winthrop a jouées, soigneusement listées par le narrateur dans "Star": recevoir une gifle de Gena Rowlands dans "Gloria" de John Cassavetes. Lutter avec Brad Pitt dans "Fight Club" de David Fincher. Agiter son béret dans "New York, New York" de Martin Scorsese. Faire un jogging dans "American Beauty" de Sam Mendes. Donner un coup de poing à Harrison Ford dans "Les Aventuriers de l’Arche perdue" de Steven Spielberg. Capturer Joe Pesci et Daniel Stern dans "Maman, j’ai raté l’avion!" de Chris Columbus. Eteindre une cigarette dans "Dirty Dancing" d’Emile Ardolino. La liste est longue.

Dans les années 1970 et 1980, il était partout. Même chez Marguerite Duras le temps d’un voyage en France. Suivre Ariel A. Winthrop, c’est feuilleter l’encyclopédie du cinéma ou le catalogue du parfait figurant.

Est-il encore vivant?

D’Ariel A. Winthrop, on ne connaît qu’une interview parue dans le New York Times. Quelques mots sur son travail avant de disparaître à jamais. Est-il encore vivant? Où vit-il? Pourquoi a-t-il détruit son unique long métrage? Le narrateur de "Star" part à la recherche de cette comète et son récit tient autant du roman policier que de la lettre d’amour. Amour du cinéma et de celles et ceux qui le font exister chaque jour, du figurant le plus modeste à la grande réalisatrice.

"Star" n’est pas un livre comme les autres. Il est d’abord né au théâtre, sur la scène du Grütli à Genève. Un projet porté par des comédiennes fans de cinéma. On y jouait une pièce nommée "Miss None". Comme le fameux film disparu. On y recherchait aussi Ariel A. Winthrop avec la complicité de la comédienne Nicole Garcia. On y parlait cinéma, actrice, chevelure, démarche, regard et mystère. La pièce est devenue livre. Est-ce un roman, une enquête, une mystification, le départ d’un futur classique du cinéma? Si vous avez frissonné en regardant "Mulholland Drive" de David Lynch, ne passez pas à côté de ce livre.

Thierry Sartoretti/aq

Guillaume Poix, "Star", éditions Verticales.

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