"Insectorama", quand Lisa Voisard cherche la petite bête

Elle a levé les yeux au ciel pour admirer les oiseaux. Examiné de plus près ces arbres qui leur tiennent lieu d’habitat. Posant son regard sur l’écorce des feuillus, sur la corolle des fleurs, elle observe aujourd’hui le ballet de milliers d’insectes au travail. Après "Ornithorama" et "Arborama", premiers ouvrages de vulgarisation très remarqués, Lisa Voisard change d’échelle.

De son trait clair et vif, l’illustratrice lausannoise peuple son "Insectorama" d’une centaine d’insectes parmi les plus familiers de nos régions. Défi de taille: les insectes, à de rares exceptions, sont encore généralement considérés avec méfiance ou dégoût. Surtout, leur famille est si vaste que nul ne saurait dire où elle s’arrête.

Bien qu’ils soient minuscules et bien cachés, les insectes représentent 85% de la biodiversité animale. Il existe environ 1,3 million d’espèces connues et vivantes à ce jour.

Un choix s’impose: privilégiant les espèces les plus fréquemment observables autour de nous, Lisa Voisard dresse le portrait de 80 insectes remarquables. On découvre ainsi l’azuré commun, ravissant papillon bleu dont la chenille sécrète un miellat qui affole les fourmis, celles-ci allant jusqu’à élever la chenille dans leur fourmilière.

On s’étonne aussi des capacités prodigieuses de certains insectes bien connus: aviez-vous remarqué que la punaise verte du soja, très présente dans nos jardins, change de couleur au gré des saisons?

D’une métamorphose à l’autre

A travers de petits récits explicatifs, une fiche signalétique et de nombreuses illustrations, Lisa Voisard nous guide à la découverte et l’identification de ces insectes familiers. Aussi précis qu’artistiques, ses dessins aux aplats colorés décrivent le corps de l’insecte, ses habitudes alimentaires et ses multiples métamorphoses. Car oui, faire le portrait d’un insecte, c’est aussi permettre de le reconnaître à l’état d'œuf, de larve ou de nymphe.

Et l’illustration, plus synthétique que la photographie, demeure le médium privilégié des ouvrages de vulgarisation naturaliste.

L’illustration amène une certaine liberté. Je peux choisir ce que je mets en avant, je peux choisir l’attitude, la position de l’insecte. J’aimerais aussi amener de la poésie dans mes illustrations, comme une page blanche à partir de laquelle on peut créer.

Le travail invisible des insectes

Omniprésents et méconnus, les insectes sont aussi au cœur des préoccupations écologistes. Victimes de la raréfaction des espaces verts et de la chimie phytosanitaire, plus de 70% des populations d’insectes européens auraient disparu ces dernières décennies. Vertigineux, cet effondrement en entraîne d’autres et menace notre propre existence, beaucoup de notre alimentation dépendant du travail invisible de très nombreux insectes.

On connaît bien l’abeille qui butine et permet la pollinisation. C’est un symbole, mais beaucoup d’autres insectes accomplissent ce travail de pollinisation. Tous les arbres ont des fleurs, toutes les plantes qu’on mange ont des fleurs, tout ce qu’on consomme dépend de ce travail-là.

Pour avoir envie de les choyer et de favoriser leurs habitats, rien de plus efficace que d’apprendre à les aimer. Tâche facilitée par le charme unique des illustrations de Lisa Voisard, délaissant le réalisme académique pour embrasser un style minimaliste qui fait mouche.

Nicolas Julliard/aq

Lisa Voisard, "Insectorama", ed. Helvetiq.

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