"Petites proses éthyliques", quinze nouvelles à déguster sans modération

"Petites proses éthyliques" est à la fois un projet théâtral, littéraire et gustatif développé en 2021 à l’initiative du directeur de théâtre de l’Echandole (VD) Sylvain Maradan, du poète et journaliste Thierry Raboud, ainsi que des éditions veveysannes Hélice Hélas.

Quinze plumes romandes ont reçu par la poste un colis contenant une bouteille de vin, de bière ou un flacon de spiritueux. Des crus conçus par des artisanes et des artisans suisses. La mission des écrivaines et écrivains? Déguster le breuvage et s’inspirer du goût, des images et du souvenir de l’alcool pour transformer ces sensations en mots, en récits.

Mises en voix par le comédien Vincent Held, accompagné au piano par Lucas Buclin, les histoires ont été racontées lors de trois soirées inédites au Théâtre de l’Echandole à Yverdon-les-Bains. Le recueil est désormais disponible en librairie.

Claire May, une écrivaine à l’humour mordant

Autrice d’un premier roman en 2018, "Oostduinkerke" (ed. de l’Aire), d’un récit poétique, "Palynographie" en 2022 ainsi que de nombreuses nouvelles, la poétesse et musicienne lausannoise Claire May a été contactée par Thierry Raboud pour participer à ce projet singulier.

D’entrée de jeu, elle affirme à la RTS: "J’ai décidé d’en faire quelque chose de plutôt humoristique, voire de loufoque, car le projet s’y prêtait bien. J’ai d’abord mis la bouteille sur ma table et puis, à force de l’observer, j’ai commencé à lui prêter des intentions et sous mes yeux, elle devenue vivante."

Numéro 12 c’est un nom de bagnard ça. Dis, tu serais pas en cavale? Pourtant tu as l’air chic, avec ton arbre séculaire et ton sceau bleu. Jolie bouteille. Epaules étroites. Col haut.

Une quête d’aventure et d’épique

Dans "Ad Aeternam (Hommage à un concessionnaire Škoda)", Claire May imagine la peur d’une bière à l’idée de se faire sadiquement décapsuler et boire.

Écrite à la première personne du singulier, la nouvelle met en scène une narratrice fort sympathique qui, pour rassurer la bouteille de houblon, décide de l’emmener sur sa terre natale: à la brasserie Kaes en Champagne, dans le Canton de Vaud. L’histoire prend alors un virage décapant et flirte avec le registre épique, avec une quête bien précise. Et le lecteur est entraîné dans cette traversée, à la manière de l’acolyte de Don Quichotte:

(…) je suis un moulin à sang et tu seras mon Sancho Panza alors viens! Fais-moi confiance, ensemble nous irons parcourir des Espagnes et je ferai de toi la plus vibrante des bières!

Arrivée à bon port, la narratrice boit le breuvage et l’urine à même la terre; une façon triviale et biologique de terminer l’épopée par un retour à la matière et au vivant.

Claire May partage sa vie entre les mots, la musique, mais aussi et surtout la médecine, sa profession principale. Ce métier la met souvent face aux ravages de l’alcool et à la fin de la vie. Ainsi, terminer sa nouvelle par une renaissance naturelle était une manière pour elle d’aborder la question de la finitude - en l’occurrence de la mise en bière - avec poésie et malice.

Layla Shlonsky/aq

^{"Petites proses éthyliques", éd. Hélice Hélas}

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