Maou met en bulles le récit de son adoption dans "Fleur de prunier"
Nous sommes dans la deuxième moitié des années 1980. Annick et Francis rêvent de devenir parents, mais la nature ne leur accorde pas cette chance. C’est alors que s'engage un parcours de combattante pour la future maman qui se lance dans d’éprouvantes tentatives de procréation médicalement assistée. Souvent dépourvu d’empathie et de délicatesse, le corps médical laisse la jeune femme dans un profond désarroi.
D’autant plus qu’autour d’elle les appels à la maternité sont incessants, l’obsession colonise ses nuits, les insomnies se succèdent… jusqu’à ce que le déclic advienne: assise sur le matelas conjugal, Annick, dessinée sous l’aspect mi-humain mi-zèbre, (l’autrice étant habituée à donner à l’ensemble de ses personnages un aspect mi-animal mi-humain), affublée d’un T-shirt à la couverture mythique de l’album "The Dark Side of The Moon" de Pink Floyd, s’écrie:
Fini les FIV…Je vais adopter!
Plusieurs rencontres
S’ouvre alors pour le couple un deuxième parcours du combattant. Grâce à des contacts et amis de la famille, ce sera en Chine que leur désir d’enfant se réalisera. Plus précisément à Shanghai, sur le continent asiatique, que l’enfant tant espéré les attend. Du jour au lendemain, Annick et Francis, aux traits mi-ours mi-humain, embarquent dans un avion où la plupart des passagers parlent une autre langue.
Les bulles de "Fleur de prunier" se remplissent ainsi de sinogrammes dont l’autrice nous invite à découvrir la traduction en fin d’ouvrage. La bande dessinée, réalisée à l’encre de Chine, (il n’y a pas, ou peu, de hasard), ne fait pas que conter la rencontre entre une enfant et ses parents; elle raconte aussi le choc provoqué par les contrastes culturels.
J’avais envie de montrer la Chine de manière dépaysante, mais aussi très tendre, que les gens se rendent compte que les Chinois ce ne sont pas des hordes de touristes qui crachent par terre et qui parlent très fort, mais qu’ils sont aussi très drôles…
"Fleur de prunier" est aussi l’occasion pour l’autrice - par ailleurs collaboratrice de la RTS - de faire découvrir aux Occidentaux un pays et une population qui souffre de son histoire et des préjugés dont Maou sera elle aussi victime. La Chine de la fin des années 1980 et du début des années 1990 est encore très fermée, la répression est vive. Lorsque Maou croise le regard d’Annick et Francis pour la première fois, les événements de la place Tian’anmen ne datent que de sept ou huit mois.
Politique de l’enfant unique
Le retour en France s’annoncera plus compliqué que prévu, mais désormais la petite Meili (Fleur de prunier en chinois) est aussi précieuse que la prunelle des yeux de sa maman et de son papa. Avec sa houppette de cheveux réfractaire à toute tentative d’aplatissement pour paraître plus sérieuse sur les photographies nécessaires à la finalisation des papiers d’adoption, le bébé ne quitte plus les bras de sa maman.
En filigrane de l’histoire de Maou, il y a le sort et le destin des bébés filles de cette époque, où la politique de l'enfant unique était encore en vigueur en Chine. Cette période post-révolution culturelle fait d'ailleurs l’objet d’un chapitre dans le livre qui dévoile l’ampleur du phénomène et ses conséquences.
"Fleur de prunier" est un ouvrage à s’offrir et à offrir absolument, tant les voyages auxquels il invite sont riches, profonds, sensibles, instructifs, émouvants, drôles et inattendus.
Céline O’Clin/sc
Maou, "Fleur de prunier", éditions Antipodes.
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