Avec "La mariée portait des bottes jaunes", Katherine Pancol met les pieds dans le terroir
L’hiver en Normandie, la pluie qui noie le ciel et la terre, la route qui serpente d’un gris humide entre deux champs de betterave maronnasse, un chien à emmener pour son contrôle annuel chez le vétérinaire. Alors que les essuie-glaces balaient le pare-brise, Katherine Pancol a soudain l’idée du titre du roman qu’elle est en train d’écrire.
C’est un titre qui claque, intrigue et interpelle: "La mariée portait des bottes jaunes". Une fulgurance, presque un antagonisme, une touche de couleur qui explose dans le récit.
Incarner pour écrire
L’écrivaine ne cherche pas à faire un effet. Ce n’est pas son genre. Le mariage en bottes jaunes correspond intimement au caractère de Muriel qui épouse Franck sans le vouloir vraiment. Katherine Pancol a cette faculté rare de pouvoir s’incarner en chacun de ses personnages, de vivre à travers eux les vicissitudes de leurs histoires. Véritable caméléon, elle devient Aliénor, Ambroise, India, Louis, Anaïs, Muriel. Elle est la famille Berléac au complet, endosse tous les rôles, femme, homme, enfant, bête, paysage, plante.
C’est drôle cette faculté de pouvoir endosser toutes les personnalités du roman. Quand on s’aperçoit le nombre de gens qu’on a à l’intérieur de soi et qu’on ignore. On n’est pas une personne, on peut être dix, quinze, vingt personnes.
Le roman se conçoit à partir des personnages. C’est par eux que le récit se définit, s’affine, que les sens affleurent, que l’action se construit, et parfois se limite du fait de leurs caractères. Chaque personnage a sa voix, son ton, son vocabulaire, ses secrets, ses lâchetés que Katherine Pancol connaît par cœur. Des secrets, la famille Berléac, propriétaire d’un château et d’un domaine viticole du même nom dans le Bordelais, n’en manque pas. On se déchire pour des questions d’argent, d’héritage, on se trahit, tout en s’aimant.
Entre maître de chais et notaire
Katherine Pancol part du réel. En deux, trois détails, l’histoire démarre, prend ses aises, trouve sa place. "Il me faut deux ou trois notes, ding ding ding, et hop avec ça, j’invente un monde." Le monde du vin et de la vigne, elle le connaît à présent. Elle est allée sur le terrain, a côtoyé notables, notaires, propriétaires, avocats, maîtres de chais et œnologues, pour comprendre cet univers qui fait le corps social du roman. Vendanges, assemblage, primeurs, héritage, stratégie de vente, Katherine Pancol a tout vécu, s’est imprégnée, est devenue le roman.
Quand je suis en jachère, que je me repose entre deux livres, je suis à l’affût des moindres détails. Je dois emmagasiner beaucoup de choses dans mon imaginaire et un élément va se détacher et se nourrir petit à petit de détails, de couleurs, d’odeurs. Et un jour, c’est cet élément-là qui vient me voir et qui me dit: 'écrit un livre sur moi!'
La vigne, le raisin, la nature, sont ici l’ancrage sensoriel du récit. Car dans le Bordelais, tout part de la vigne. L’écrivaine en fait un personnage à part entière dans son roman terrien qui sent l’humus. "C’est très réconfortant. La structure du vin, la robe, rien n’est prévisible tout reste dans le domaine du désir et de l’imprévisible. Le vin impose sa version chaque année. Les maîtres de chai sont à l’écoute de la grappe. Quand on ne connait pas, c’est très émouvant de regarder ce travail éprouvant des hommes, à genou devant leur cep de vigne."
Une écriture en résonnance
Amoureuse de littérature américaine, de Truman Capote, de J.D. Salinger, Katherine Pancol se sert, comme eux, de matières, de couleurs, de sons, d’odeurs et les fait siens. Le roman est organique. A New York, son écriture était très minérale. Dans le Bordelais, elle devient terreuse, s’imprègne des sillons des vers de terre, sent le raisin, le moût, oscille avec le vent dans les arbres et le vol des chauves-souris.
Dans "La mariée portait des bottes jaunes", la langue de Katherine Pancol virevolte et nous permet d’entrer pleinement dans les chais, dans les caves, dans l’intimité d’une famille.
Catherine Fattebert/aq
Katherine Pancol, La mariée portait des bottes jaunes, Albin Michel
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