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L'amour et les origines familiales, grandes thématiques de la rentrée littéraire

Comme chaque année, des centaines de livres seront publiés début septembre. [Fotolia - zix777]
Mais quʹattendre de la rentrée littéraire cette année ? / Vertigo / 6 min. / le 18 août 2023
Dans un contexte difficile d’érosion des ventes, c’est une rentrée littéraire française prudente que proposent les maisons d’édition, avec un nombre de titres réduit. Ce qui n’empêche pas quelques belles surprises.

Une rentrée ouverte, comme on dit. Sans bataille au sommet entre divers monstres sacrés pour nous occuper tout l'automne, mais avec quelques belles découvertes. C'est surtout une rentrée prudente, dans un contexte difficile, avec des chiffres de ventes qui ne cessent de s'éroder depuis 2021.

Si, tout comme l'an dernier, on peut invoquer des problèmes conjoncturels - comme l'inflation, ou les grandes manoeuvres bolloréennes pour mettre la main sur le groupe Hachette qui tétanisent le milieu - il faut se rendre à l'évidence: le désintérêt pour le genre romanesque est une tendance de fond, avec des lecteurs et des lectrices toujours plus nombreux à déporter leurs achats sur la BD et les essais.

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Une rentrée mesurée

Première conséquence: la rentrée est mesurée. On compte 466 romans (il y en avait 490 en 2022) dont 321 français et parmi eux 74 premiers romans – en 2010 la rentrée littéraire c'était plus de 700 titres. Les éditeurs, même les plus prestigieux, ont donc réduit le nombre de parutions. Mais est-ce pour proposer des textes de plus grande qualité, choisis et édités avec plus de soin? Pas forcément. 

Contrairement à l'an dernier où la rentrée était dominée, et de loin, par le "Cher connard" de Virginie Despentes, la cuvée 2023 n'est pas écrasée par un texte. C’est une bonne chose: une rentrée plus équilibrée permet d'accorder de la visibilité à un plus grand nombre de livres. Évidemment, de grandes signatures sont là, tel Laurent Binet (Grasset), Mathias Enard (Actes sud), Jean-Philippe Toussaint (Minuit), Eric Reinhardt (Gallimard), Santiago Amigorena (POL), Pascal Quignard (Albin Michel), Sorj Chalandon (Grasset), ainsi que - comme à chaque rentrée - l'habituelle Amélie Nothomb (Albin Michel), qui vont à coup sûr, pour de bonnes ou de mauvaises raisons, monopoliser les listes des grands prix et les maisons comptent sur elles pour se refaire".

Il faut toutefois se tourner vers des auteurs plus discrets, comme Pierric Bailly (POL). Son très beau "La foudre", situé dans les montagnes du Haut-Jura en France, crée une tragédie dans la vie d’un homme apparemment sans histoire. Ou Sylvain Prudhomme. Avec "L'enfant dans le taxi" (Minuit), il met en scène un narrateur découvrant des secrets de famille qui vont transformer sa conception du monde, et observe comment l'histoire mouvementée du XXe siècle a façonné l'intimité des individus.

Des autrices aux textes audacieux

Comme l'an dernier, ce sont les femmes qui attirent l'attention par des textes audacieux. Dans la catégorie des signatures reconnues, on retiendra Chloé Delaume, prix Médicis pour son dernier livre en 2020, qui publie "Pauvre folle" (Seuil) où le rapport à l'amour et à la sexualité est revisité à l'aune des traumatismes de l'enfance.

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Et surtout Maria Pourchet. Repérée dès ses premiers romans et surtout pour "Feu", l'autrice sait allier énergie, construction romanesque et analyse sociétale dans "Western" (Stock), rencontre entre une femme en rupture et un pitoyable Don Juan moderne. Dans leurs textes très littéraires, Delaume comme Pourchet ont su embrasser toutes sortes de problématiques post #metoo passionnantes.

Les origines comme thème récurrent

La couverture de "Mon Petit" de Nadège Erika. [Livres agités]
La couverture de "Mon Petit" de Nadège Erika. [Livres agités]

Si l’amour (titre du nouveau livre de

François Bégaudeau

chez Verticales) est au centre de plusieurs textes, le thème des origines semble être le motif récurrent de cette rentrée. Là encore, une femme domine la mêlée:

Laure Murat

et son "Proust, roman familial" (Robert Laffont). L'universitaire, dans ce texte à la fois essai littéraire et autobiographie, analyse ce que dit la recherche sur l'aristocratie, son milieu d'origine, et sa perception de l'homosexualité, pour décrypter sa rupture avec ses parents.

La famille nucléaire et ses violences sont au centre de deux premiers romans remarquables signés Neige Sinno (POL) et Léna Ghar (Verticales), mais ce sont surtout les origines au sens large et les grands-parents qui hantent plusieurs textes qui se questionnent sur comment se construire avec ou malgré les traumas du passé.

Le sujet est traité de façon novatrice par Elise Goldberg et son facétieux "Tout le monde n’a pas la chance d'aimer la carpe farcie" (Verdier), texte fragmentaire et composite sur la transmission d'une mémoire traumatique, ou par Agnès Desarthe et son "Château des rentiers" (L'Olivier), où l'autrice refait vivre sa grand-mère et recueille toutes sortes de témoignages pour aborder sa propre vision de la vieillesse.

Novatrice aussi la façon dont les auteurs et autrices tentent de combattre les clichés, avec Nadège Erika et son premier roman "Mon petit" (Livres agités), portrait d'une vie de femme construite malgré les déterminismes sociaux et les drames familiaux, et le second roman de la slameuse Lisette Lombé, "Eunice" (Seuil), à la fois enquête d'une narratrice sur sa famille maternelle et quête d'un renouveau dans sa propre vie.

Les questions de genres

Si les questions de genres sont souvent présentes, c'est du côté de la rentrée étrangère qu'elles sont abordées avec le plus d'inventivité dans les premiers romans de l'Espagnole Alana S. Portero "La mauvaise habitude" (Flammarion) et de l'Américaine Imogen Binnie "Nevada" (Gallimard). Deux textes qui mettent en scène des personnes transgenres, portés par une énergie, un questionnement formel constant et des narrateurs et narratrices aux histoires de vies fortes et émouvantes.

Ces nouvelles façons de traiter de sujets qu'on croyait archi-arpentés, la famille, l'amour, la sexualité, reflète des changements à l'oeuvre dans les pratiques littéraires. L'importance donnée aux premiers romans, le recrutement des nouvelles plumes avec la présence toujours plus importante d'auteurs et d'autrices sortant des masters d'écriture créative, la présence devenue incontournable d'agents littéraires, la création de petites maisons, la visibilité accrue de maisons situées en province voire à l'étranger, tout ceci concourt à instaurer de nouvelles pratiques qui peu à peu influent sur le contenu de la rentrée.

Sylvie Tanette/ld

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Un article consacré à la rentrée littéraire suisse sera publié dans les jours à venir.

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