La trame de "Nani" est basée sur l'histoire d'Albina (prénom d'emprunt), une mère de famille originaire des Balkans qui a vécu des années de calvaire dans un petit appartement fribourgeois qu'elle partageait avec ses cinq enfants, son mari et ses beaux-parents.
Vendue par son frère à son futur mari alors qu'elle était âgée de quatorze ans, elle est régulièrement battue avec violence par ce dernier qui ne se gêne pas non plus de la traiter de "pute" et de la menacer de mort. A cela s'ajoutent les insultes de sa belle-mère tyrannique à qui elle sert plus ou moins d'esclave.
Interrogée dans le 12h30 de la RTS, l'écrivaine Mélanie Richoz explique que le point de départ de ce roman a été la rencontre avec Albina. "Elle m’a chargée et chargée de son histoire. A un moment donné, je lui ai dit que j'allais devoir l’écrire, cette histoire-là. Et elle m’a dit: 'Oui, je veux que tu l’écrives, moi je n'y arrive pas'". Une manière pour cette mère de famille à la fois d'exorciser ce vécu, mais aussi d'espérer briser les schémas familiaux afin que cela ne se reproduise pas.
Dès que les pas enjoués des enfants résonnent dans la cage d'escalier, son mari l'empoigne par les cheveux, la traîne dans la chambre à coucher qu'il ferme à double tour, la catapulte sur le lit et la tabasse (...). Burim sort de la chambre, se frotte les poings et, d'une torsion de nuque répétée à droite puis à gauche, se fait craquer les cervicales.
La rage de la nécessité
Si l'autrice fribourgeoise confirme que les événements les plus violents racontés dans ce livre sont véridiques, elle précise que son livre reste une fiction inspirée d'une histoire vraie: "Je suis partie de faits réels et de la perception d'Albina de la situation et j’y ai ajouté mon ressenti d’auteure et de femme. Au final, j'ai fait grandir ce personnage en fonction de ce qu’imposait l’histoire".
Il n'empêche que l'autrice s'est posé beaucoup de questions sur le droit d’écrire ce livre. "Au moment de l’écriture, il y avait la rage de la nécessité. Je l’ai écrit parce que cela s’imposait. Je ne me posais pas de questions", analyse-t-elle. Une fois le projet d'écriture terminé, elle s'est tout à coup demandé de quel droit elle pouvait le publier et quel impact cela aurait. Avec aussi cette peur de pointer du doigt une communauté, ce qui n'était pas son intention.
"A ce moment-là, j’ai consulté plusieurs personnes, dont Martine Lachat Clerc, de Solidarité Femmes Fribourg. "J’avais besoin d’avoir son avis et son aval, qu’elle légitime la nécessité de publier cette histoire. Car pour moi, taire la violence est une manière de la cautionner."
En plus de valider ce texte, Martine Lachat Clerc acceptera d'en signer la postface dans laquelle elle confirme la valeur universelle de "Nani": "Aujourd'hui l'histoire racontée est celle d'Albina, mais elle pourrait être celle de Delphine, Melek, Raquel, Bernadette... La violence au sein du couple touche les femmes de tout horizon, peu importe leur origine, leur profession, leur âge."
Propos recueillis par Coralie Claude
Adaptation web: Andréanne Quartier-la-Tente
Mélanie Richoz, "Nani", éditions Slatkine.