Dans "Le vieil incendie", Elisa Shua Dusapin explore les retrouvailles entre deux sœurs
Scénariste à New York, Agathe a quitté la France il y a quinze ans. Le décès de son père va l’obliger à revenir dans la maison familiale dans le Périgord. Avec Véra, sa cadette aphasique, les deux femmes ont neuf jours pour trier et vider les lieux. Une parenthèse bienvenue pour ces sœurs aux univers bien différents.
Rivalité et complicité
Dans ses trois précédents romans, les héroïnes d'Elisa Shua Dusapin étaient toutes filles uniques. Avec "Le vieil incendie", la jeune auteure franco-suisse voulait explorer le lien qui existe entre deux soeurs. "Je n'avais pas du tout parlé de cela jusqu'à maintenant parce que ces rapports-là me semblaient si complexes que je ne pouvais pas le faire si cela ne devenait pas un sujet central", explique l'écrivaine jurassienne à la RTS. C'est désormais chose faite, même si la relation entre Agathe et Véra est plus que complexe.
Trois ans de différence, c'est l'écart qui réside entre les deux soeurs. Durant leur prime enfance, Agathe et Véra sont très fusionnelles, voire indissociables, mais l'aphasie soudaine de Véra, à l'âge de six ans, va complètement changer la donne. Agathe continue d'être protectrice, mais le silence de sa cadette va lui peser, au fur et à mesure des jours qui passent.
La frustration et les non-dits s'accumulent, et malgré sa promesse d'être "toujours là pour elle", Agathe finit par quitter le nid familial à l'âge de quinze ans. Le lectorat comprend que les retrouvailles sont difficiles pour les deux soeurs après une si longue période sans se voir. En effet, comment renouer le lien quand on ne partage plus rien?
Promiscuité avec la nature
Le lien avec la nature est un autre élément frappant du roman "Le vieil incendie". L'intrigue se déroule en novembre, mois propice aux feuilles mortes, champignons et autres odeurs de pluie dans ce petit coin de Périgord. C'est aussi la période de la chasse et de "la fumée qui stagne au-dessus des cailloux quand la température se radoucit". Leur papa, raconteur d'histoires, disait lui que "c'était les lapins qui préparent du café".
Cette sensualité avec les éléments naturels se retrouve aussi dans la nourriture. Cuisinière accomplie, Véra passe de longues heures à huiler des tartes croustillantes ou râper du chou rouge qui laisse des traces sur les paumes. Quant à la cuillère de confiture, elle se lèche et se replonge directement dans le pot.
Dans "Le vieil incendie", la nature est un personnage à part entière et hormis les souvenirs d'enfance, c'est aussi elle qui réussit à maintenir un lien ténu entre les deux soeurs.
Sarah Clément
Elisa Shua Dusapin, "Le vieil incendie", éditions Zoé.