L'écrivaine Arundhati Roy se déclare "très inquiète" de la montée du nationalisme en Inde
Le destin d’Arundhati Roy est lié à la littérature autant qu'au militantisme. L'écrivaine à succès obtient la reconnaissance de ses pairs dès son premier roman, "Le Dieu des Petits Riens", récompensé du Booker Prize en 1997.
Vendu à plus de six millions d’exemplaires dans le monde, ce best-seller marquera le début de ses nombreux combats.
Ecriture et militantisme
Arundhati Roy est aussi bien une infatigable porte-voix des opprimés et des laissés-pour-compte qu'une défenseure du multiculturalisme.
Écologiste, féministe et altermondialiste, elle pourfend la crispation identitaire de l'Inde à travers ses essais et ses livres autant que lors de manifestations et de ses prises de parole.
Je reçois autant d'insultes que de prix
Son écriture et son militantisme seront récompensés mardi à Lausanne, où Arundhati Roy recevra le Prix européen de l’essai, à l’occasion de la publication de "Azadi - Liberté, fascisme, fiction".
"Je reçois autant d'insultes que de prix", explique-t-elle dans le 19h30 de la RTS. "Et c'est une bonne chose, cela me permet de garder les pieds sur terre".
"Etat fasciste"
Ses prises de position lui ont effet valu beaucoup d'attaques en Inde. L'écrivaine dénonce un pays de plus en plus nationaliste depuis l’arrivée au pouvoir du Premier ministre Narendra Modi. "Je suis très inquiète", admet-elle.
"Ce qui se passe en Inde, c'est que la nation, le gouvernement, toutes les institutions, le parti au pouvoir sont une seule et même chose", affirme-t-elle, "et ce n'est pas ce que l'on attend d'une démocratie".
L'Indienne va même jusqu'à décrire son pays comme un Etat fasciste. "Narendra Modi fait partie d'une organisation qui s'appelle RSS, qui a été créée en 1925", explique-t-elle. "Et cette organisation faisait partie d'une tendance ouvertement fasciste dans la lignée de Hitler et Mussolini."
Arundhati Roy dénonce également l’inaction du Premier ministre indien face aux violences ethniques à l’encontre des minorités chrétiennes et musulmanes. "Il y a eu des massacres les uns après les autres, des lynchages", affirme-t-elle.
"Aujourd'hui, si vous êtes musulman, on ne peut pas s'attendre à ce que la loi vous traite comme quelqu'un qui est hindou", déplore-t-elle.
Essayer de réduire l'Inde à une langue ou à un groupe ethnique, c'est un processus extrêmement violent et ce processus ne peut pas réussir
L'écrivaine garde toutefois une part d'optimisme quant à l'avenir de son pays. "La seule raison pour laquelle je suis optimiste, c'est parce que l'Inde est un océan", affirme-t-elle, rappelant que l'Inde est une nation extrêmement variée, possédant 38 langues officielles et une grande variété ethnique.
"Essayer de réduire l'Inde à une langue ou à un groupe ethnique, c'est un processus extrêmement violent et ce processus ne peut pas réussir", estime-t-elle.
Propos recueillis par Philippe Revaz
Adaptation web: Emilie Délétroz