Publié

Dans "Journal d’un scénario", Fabrice Caro déploie en mots son humour ravageur

Le bédéiste, romancier et musicien français Fabrice Caro. [Editions Gallimard - Editions Gallimard]
Entretien avec Fabrice Caro, auteur de "Journal d'un scénario" / QWERTZ / 24 min. / le 27 septembre 2023
Le bédéiste et illustrateur français Fabrice Caro signe un cinquième roman drôle et lucide, qui interroge la compromission dans une œuvre d’art. Pour cela, il n’hésite pas à faire grimper le curseur de l’absurde au maximum dans un crescendo imparable et spectaculaire.

Fabrice Caro, alias Fabcaro ou tout simplement Fab, est à la fois écrivain, dessinateur et musicien. Auteur de plus d’une trentaine de bandes dessinées, il devient célèbre en 2015, grâce à "Zaï zaï zaï zaï", une BD qui sera adaptée au cinéma, puis régulièrement au théâtre. L'écrivain français publie également des romans, tels que "Figurec" (2006), ou encore "Le discours" (2018).

Le journal pour raconter le succès

Dans son "Journal d’un scénario", lectrices et lecteurs font la connaissance de Boris, scénariste en pleine écriture d’un film d’auteur en noir et blanc.

Cette tragédie amoureuse appelée "Les servitudes silencieuses" doit réunir pour la première fois à l’écran Louis Garrel et Mélanie Thierry; un couple que le narrateur n’hésite pas à comparer à Romy Schneider et Alain Delon dans le drame "La Piscine" de Jacques Deray sorti en 1969.

Fou de joie, Boris démarre ce journal intime pour parler de sa réussite: en effet, son scénario est repéré et validé par un célèbre producteur de la place, Jean Chabloz, qui lui promet "qu’ensemble ils vont réaliser un beau film". Petit à petit, au fil des pages et pour plaire à une grande chaîne de télévision, le scénariste va devoir changer son propos.

Le médium le plus approprié pour parler de compromission dans l'art était à mes yeux le cinéma. Il y a tellement de moyens en jeu entre le producteur, le réalisateur, les acteurs, que cela rend plus facile la perte de son idée originelle.

Fabrice Caro

Une chute sans compromis

Tout commence par le changement de casting: le couple glamour choisi par Boris devient un couple de vieux amis. Dans cette nouvelle version, Louis Garrel est remplacé par Kad Merad et Mélanie Thierry par Christian Clavier. Puis, c’est au tour des dialogues: les échanges romantiques et tragiques doivent désormais laisser la place à un humour excessif. Enfin, pour prolonger la déperdition, le titre qu'il avait choisi est remplacé au profit de quelque chose de plus explicite; Boris souhaitait écrire une tragédie contemporaine, il finit par rédiger une comédie grasse. Un naufrage auquel le lectorat assiste, médusé.

Injecter de la comédie? Injecter de la comédie dans une histoire de séparation? (…) Pourquoi ne pas injecter de la comédie dans "Elephant Man"? (…) Après tout allons-y faisons revenir les gens dans les salles, injectons de la comédie, youpi tralala. Et quel verbe hideux, injecter, comme on injecte du botox dans un épiderme vieillissant pour le faire paraître plus pimpant.

Extrait de "Journal d'un scénario" de Fabrice Caro

"On va faire un beau film!"

Pour Fabrice Caro, si dans son roman il est possible de déceler une critique, elle réside dans le fait de hiérarchiser les arts. En effet, une comédie a autant de valeur qu’un drame et vice-versa, car tout est question d’émotion, seul critère valable, selon l’auteur français. Une idée qu’il développe admirablement dans son "Journal d’un scénario".

Durant le processus d’écriture, le roman portait le titre "On va faire un beau film!".  Une phrase que le producteur de Boris, Jean Chabloz lui rappelle à tout bout de champ afin de le rassurer dans sa démarche créative.

On va faire un beau film. Phrase que depuis ce matin je me répète en boucle, ayant encore du mal à y croire. Elle a quelque chose de rassurant et d’artisanal, elle respire la belle œuvre et les mains dans la terre.

Extrait de "Journal d'un scénario" de Fabrice Caro

La phrase rythme le roman tel un refrain astucieux, sorte de gimmick qui accompagne le lectorat jusqu'à la chute du roman, de manière spectaculaire et cruellement drôle.

Layla Shlonsky/sc

Fabrice Caro, "Journal d'un scénario", éd. Gallimard.

Vous aimez lire? Abonnez-vous à QWERTZ et recevez chaque vendredi cette newsletter consacrée à l'actualité du livre préparée par RTS Culture.

Publié

Fabcaro aux manette du prochain Astérix

Le 40e album de l'irréductible Gaulois intitulé "L'iris blanc" sort le 26 octobre 2023 et les éditions Albert René ont choisi Fabrice Caro, alias Fabcaro, comme nouveau scénariste. L'auteur de BD et romancier devient  le quatrième scénariste des aventures d'Astérix, après Goscinny, Uderzo et Jean-Yves Ferri.

Côté images, le dessinateur reste celui qu'Albert Uderzo avait désigné comme successeur à partir du 35e album en 2013, à savoir Didier Conrad.