"Persecutores demonum", un polar historique haletant signé Stéphane Paccaud

C’est avec brio que Stéphane Paccaud signe un polar historique qui nous tient en haleine et nous enseigne autant qu’il nous divertit. "Persecutores demonum", abondamment documenté, richement fouillé, met en scène une série de forfaits au cœur de machinations politiques et spirituelles, où les luttes pour le pouvoir terrestre ne se départissent pas de celles engagées au nom des vérités célestes.

En l’an 1182, l’Orient chrétien vit une apparente trêve. Il est pourtant en proie à des dissensions et menacé aussi bien par l’extérieur que de l’intérieur. Se fier systématiquement et aveuglément à son propre camp devient alors tout aussi dangereux que de se méfier des ennemis désignés. Au contraire, la prudence est de mise à chaque pas et respiration.

Moi le sang,… je pulse sous sa tempe, à cette princesse paniquée. Après un voyage rapide par le cœur et dans les veines qui se dessinent sous la peau blanche de ses bras, j’ai accéléré, … Depuis longtemps je l’éprouve cette dame.

Disparitions et complots

Dans ces rapports de force générateurs d’autant de conflits ouverts que de luttes insidieuses et perfides, des voix du milieu se font entendre. En marge des courants majoritaires et au croisement des cultures, elles sont portées par Gilles de Brousse, moine défroqué et savant apothicaire baptisé "l’hétérodoxe", car adepte de la doctrine de la foi monophysite.

Son assistante persane Marjan, quant à elle, est versée dans les sciences médicinales du grand d’Ibn Sina (Avicenne chez les chrétiens), et membre de la secte des Nizârites (les Assassins). Tous deux sont appelés par Sybille de Jérusalem, sœur du roi Baudouin IV, et épouse de Guy de Lusignan, comte d’Askalon et de Jaffa, pour faire la lumière sur cette affaire. La future reine place tous ses espoirs dans ce tandem insolite afin de découvrir qui se cache derrière les tentatives d’assassinats de son époux et la série d’enlèvements perpétrés jusqu’à Petra, dans l’actuelle Jordanie.

Au fil du récit s’accumulent les disparitions et se déjouent les complots. Mais tandis que les traîtres sont démasqués, l’étau ne se desserre pas pour autant, et la menace pèse au contraire toujours plus lourdement sur l’entourage du roi, à mesure que les personnages avancent dans le désert pour rejoindre la ville sainte de Jérusalem.

Un récit à focales multiples

Il y a un petit côté roman policier à énigmes, Hercule Poirot ou John Dickson Carr, cette idée de jeu presque ludique où le lecteur, la lectrice se disent: "mmh, mais comment c’est possible?"

Inspiré par les romans policiers à énigmes, "La geste de l’hétérodoxe" tient sa promesse: de la première à la 300e page, le lectorat est captivé par la narration que se partagent les différents personnages, excepté Gilles de Brousse. L’intrigue se déroule dans un récit à focales multiples, qui s’autorise même à donner une voix à des éléments non humains: le vent, le sang, la pierre ou la lèpre. Par anthropomorphisme, ils deviennent acteurs de l’intrigue, et permettent un plus grand déploiement des décors où se jouent les scènes du roman.

"Persecutores demonum: La geste de l’hétérodoxe" de Stéphane Paccaud est un polar et aussi un voyage géographique historique, spirituel et anthropologique, qui laisse une forte impression.

Céline O’Clin/aq

Stéphane Paccaud, "Persecutores demonum : La geste de l’hétérodoxe", éditions PVH.

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