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La vie de famille sacrifiée d'une gymnaste d'élite au coeur d'un roman signé Sonia Baechler

L'écrivaine valaisanne Sonia Baechler. [www.philippepache.com - Philippe Pache]
Entretien avec Sonia Baechler, autrice de "Mon Dieu, faites que je gagne" / QWERTZ / 25 min. / le 29 novembre 2023
Pour son troisième roman, l’écrivaine valaisanne Sonia Baechler s’est inspirée de sa propre histoire: celle d’être la grande sœur d’une gymnaste hors norme. "Mon Dieu, faites que je gagne" est une immersion totale dans le sport d’élite, une machine qui broie tout sur son passage.

Sion, 1984. Dans les couloirs de la Migros, les gymnastes de la société Sion-Gym font leur démonstration sur la musique de "La guerre des étoiles". Fascinée par le spectacle, une petite fille de six ans les rejoint et fait un grand écart sur le tapis de sol. Elle est tout de suite repérée.

Cette famille ne le sait pas encore, mais elle va prendre coup sur coup onze ans de gymnastique chevillée à l’âme et au corps.

Autofiction

Une fois la dernière page de "Mon Dieu, faites que je gagne" terminée, une question nous vient directement à l’esprit: Sonia Baechler a-t-elle vraiment vécu tous ces bouleversements et ces sacrifices en lien avec le parcours sportif de sa sœur? La réponse est à l'image de l’écrivaine, tout en nuances: "J’ai trituré et mis les mains dans une expérience vécue. Mais cela reste un roman", explique-t-elle à la RTS le 29 novembre. Ce n’est pas un récit de vie, ni une autobiographie. Les parents, la gymnaste ne sont pas les miens. En revanche le 'je' se rapproche plus de ce que j’ai vécu."

Tout comme sa narratrice, Sonia Baechler est une grande rêveuse, plus à l’aise avec les mots qu’avec son corps. "Mon Dieu, faites que je gagne" tient plus de l’autofiction que de l’autobiographie. Il n’empêche, l’immersion dans le monde de la gymnastique artistique est totale.

J’ai trituré et mis les mains dans une expérience vécue. Mais cela reste un roman. Ce n’est pas un récit de vie, ni une autobiographie. Les parents, la gymnaste ne sont pas les miens. En revanche le ‘je’ se rapproche plus de ce que j’ai vécu.

Sonia Baechler

Sport et religion

Dans cette histoire, les protagonistes n’ont pas de nom. Il y a le père, la mère, la gymnaste et la sœur de la gymnaste. Au fur et à mesure des années, celle-ci franchit les paliers, se qualifie dans l’élite, part étudier à la Haute école fédérale de sport de Macolin (BE) . Et la famille est embarquée à 200%: déplacements dans toute la Suisse, régimes spéciaux à base de graines, aide aux devoirs. "Il faut lui faciliter la vie, c’est tellement dur pour elle", répète inlassablement la mère.

Réveil à cinq heures, école, trente heures d’entraînement par semaine, force, souplesse, douleurs, serrer les dents, solitude, concurrence avec les autres filles … En sport, comme en religion, les mantras sont nombreux.

Installée au cœur des gradins, la narratrice constate, amusée, la présence de Jésus, de Marie, de crucifix, bouddhas, grigris en tout genre, parmi les mères des gymnastes. Et cette phrase souvent répétée à mi-voix, avant chaque compétition. "Mon Dieu, faites que je gagne".

Paradoxe de l’excellence

Avec ses 3'000 clubs répartis sur l’ensemble du territoire, la gymnastique artistique est, tout comme le football, un sport ultra populaire. Mais les premiers spectacles des pupillettes à couettes font rapidement place à un monde beaucoup plus dur.

Au final, elles seront cassées, brisées peut-être. Mais il en restera toujours une. Une qui aura tenu le coup le temps de monter sur un podium, de se qualifier pour les JO.

Extrait de "Mon Dieu, faites que je gagne" de Sonia Baechler

Ce paradoxe de l’excellence, Sonia Baechler en est tout à fait consciente, elle-même étant fascinée par les spectacles du Béjart Ballet. "Il y a quelque chose de magnifique dans ces danseurs et danseuses. Et j’ai beau voir les années d’entraînements difficiles, finalement je me laisse aussi emporter dans la beauté de leurs gestes."

Faire mieux, limiter les dégâts sur les corps, les esprits et les familles, entourer l’excellence de bienveillance, voici quelques graines que Sonia Baechler aimerait bien semer, grâce à son dernier roman "Mon Dieu, faites que je gagne". Mon Dieu, faites qu’elle y parvienne.

Sarah Clément/aq

"Mon Dieu, faites que je gagne", Sonia Baechler, Bernard Campiche

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