Elisabeth Foch-Eyssette voit la vie en blanc dans "Guide anachronique de la neige"

Dans son "Guide anachronique de la neige", Elisabeth Foch- Eyssette suit le fil de ses souvenirs et mélange les références littéraires, cinématographiques, scientifiques et poétiques au gré de sa mémoire. L’écrivaine, photographe et journaliste explique son intérêt précoce pour la poudreuse dès la première page. Un souvenir funèbre.

Une avalanche… Blanc, couleur de deuil dans certaines cultures. La neige venait de croiser mon chemin. J’avais huit ans. Désormais à chacune de ses manifestations, elle m’apparaîtrait à la fois familière et inconnue.

La neige comme un cadeau

L'image de son père apprenant le décès de ses deux frères morts sous une avalanche est restée gravée dans sa mémoire. Et pourtant, à la suite de cette tragédie, ce dernier la pousse à considérer la neige différemment: "Ce drame a eu lieu durant la période de Noël. Mon père a décidé de transformer ce moment terrible et il a fait de la neige un cadeau de Noël. Depuis toute petite je suis allée à la neige et j’ai accumulé des souvenirs joyeux avec la neige, c’était donc tout naturel pour moi d’écrire dessus", confie-t-elle dans Qwertz du 13 décembre.

Un ouvrage foisonnant

Ancienne journaliste et grande voyageuse, Elisabeth Foch-Eyssette a visité l'Inde, l'Argentine, le Japon, ainsi que d’autres contrées du globe. La photographie et l’écriture l’ont toujours accompagnée dans ses périples; consigner ses pensées dans des carnets fait partie intégrante du voyage.

Un jour, elle les rassemble dans l’idée de mettre bout à bout tous les passages ayant trait à la neige. C’est le début de son "Guide anachronique de la neige". Dans ce texte, on découvre un mélange de questions existentielles et enfantines, telles que "où part le blanc à la fonte des neiges?", d’anecdotes délicieuses et de tirages photographiques en noir et blanc.

Balance des blancs

Parmi ces anecdotes, il y a celle du premier portrait photographique d’un flocon, prise dans le Vermont aux Etats-Unis le 15 janvier 1885 par Wilson A. Bentley, qui sera rebaptisé dès lors "Snowflake". La première d’une série de 4500 clichés pris par le photographe, qui découvrira dans le processus qu’aucun flocon n’est identique à un autre.

Dans ce guide, quelques photos sont également présentes: ici une reproduction de la gravure "La bataille de boules de neige" (vers 1400) du cartographe et écrivain suédois Olaus Magnus, offerte à l’autrice par Nicolas Bouvier, là une photographie de Bernard Plossu, et même un cliché pris par Elisabeth Foch-Eyssette dans le district de Kinnaur en Inde en 2011, qu’elle commente ainsi:

J’aime beaucoup le côté ordinaire des choses. Des gens qui ne sont pas des héros et qui pourtant ont une vie très rude. Comme ces femmes lavant la vaisselle dans la dernière neige d’hiver; à leurs côtés un feu. En prenant la photographie, je voyais les étincelles monter et les flocons crépiter à la rencontre du brasier. J’ai voulu immortaliser cet instant.

Réchauffement climatique

L’une des visées de l’ouvrage est aussi de mettre en garde quant à la disparition ou la modification d’éléments naturels causées par la crise climatique. Les hivers se réchauffent et les sports d’hiver se multiplient. Afin de créer de la fausse neige, "les nivoculteurs" assèchent considérablement les zones de prélèvement. A la page 148, une citation de Jean Cocteau illustre habilement la pensée de l’autrice: "Il est possible que le progrès soit le développement d’une erreur".  A méditer avant de "monter à la neige".

Layla Shlonsky/olhor

Elisabeth Foch-Eyssette, "Guide anachronique de la neige", éditions arléa, paru en novembre 2023.

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