"Lungomare" de Sébastien Berlendis, un voyage sensoriel et sensuel en Italie

Le septième roman de Sébastien Berlendis est un voyage intime, dans le passé et dans l'été. Comme dans ses précédents titres, l'auteur construit son livre autour d'un lieu. Ici, la côte ligure. De San Remo à Portovenere, de Gênes à Savone, le narrateur de "Lungomare" se balade avec son amie, la belle et envoûtante Annabella. Plage, petits villages, locandas figées dans les années 1960, mystérieuses villas art déco abandonnées, pins sur les collines, nuits étoilées et minuscules criques, l'écriture précise de Berlendis restitue les moindres détails du paysage. Car son travail consiste avant tout à installer l'esprit d'un lieu.

Vidéaste et photographe, cet auteur peaufine titre après titre une écriture photographique, qui progresse par prises de vues et saisit ici et là quelques instantanés. Un geste, un éclat de lumière, un minuscule détail, et parfois un lent travelling sur la mer. L'art narratif de Berlendis est celui d'un équilibriste, car il en faut de la subtilité pour le pas tomber dans les clichés quand on décrit une station balnéaire italienne en plein été.

Il n'y a qu'à traverser le boulevard, poser sa serviette sur les transats couleur crème, déplier le parasol rouge, regarder le spectacle de la plage, cet art italien de la passeggiata qui se déploie jusque dans la mer, attendre enfin que passe Annabella

Un voyage dans le temps

Peu à peu, des portraits sont esquissés, personnages satellitaires qui intriguent le narrateur. Sur la plage une jeune mère au corps couvert de tatouages, un retraité qui chaque jour vient s'asseoir sous son parasol. L'oeil de l'écrivain se fait à la fois sociologue et ethnologue, qui observe avec empathie ces anonymes et leurs secrets. Et l'écriture se fait sensuelle, se colore d'une charge érotique avec le personnage d'Annabella, jeune femme belle et insaisissable.

C'est aussi un voyage dans le temps que propose Berlendis. Car peu à peu plusieurs couches temporelles se superposent, souvenirs d'enfances et de vacances lointaines, mais aussi reconstitution d'instants de la jeunesse de ses parents, que le narrateur découvre à travers une série de photos, anodins clichés estivaux qui disent un mariage, une vie et une époque.

Cette côte ligure, je la connais par coeur, il y a toujours un élément qui va déclencher l'envie de raconter quelque chose

"L'Italie est la source d'inspiration première. Chaque été j'y retourne comme si j'étais happé par cet espace, et alors même que je connais ses moindres recoins. Cette côte ligure, je la connais par coeur, il y a toujours un élément qui va déclencher l'envie de raconter quelque chose", explique Sébastien Berlendis interviewé pour la newsletter QWERTZ.

L'Italie n'est pas choisie au hasard. C'est le lieu des origines, le pays des ancêtres de l'auteur. Inlassablement, Berlendis y revient de livre en livre, construisant à sa manière une littérature d'immigration, pour dire les parcours et les silences familiaux, les fragments d'une histoire oubliée qu'il ramène patiemment à la surface.

Sylvie Tanette/ld

_{Sébastien Berlendis, "Lungomare", éditions Actes sud.}

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