Anatole Edouard Nicolo illustre finement les aléas de la vie dans "A l'ombre des choses"
Anatole et son frère G. vivent une enfance insouciante, dans une maison avec un immense jardin. Mais voilà qu'un beau jour les parents divorcent et que la précarité s'installe. Le quotidien des deux frères se répartit désormais entre foyer social et squat de luxe. Malgré les difficultés et leurs différences, G. et Anatole vont se faire une place dans le monde. Pour l'un ce sera le rap, pour l'autre la littérature.
Candeur du regard
Anatole, G. et leur mère passent plusieurs années dans le foyer social du 43 boulevard Gaston-Ramon, à Angers. Si l'immeuble ne paie pas de mine et fait honte au narrateur, celui-ci pose en revanche un regard tendre sur ses habitants. Le ventripotent Monsieur Jacques passe ses journées à regarder la télévision, boire des bières, tout en surveillant la rue. Sans oublier la souriante Mounia qui dissimule les marques du passé sous ses habits amples.
Je voulais plutôt raconter toute la poésie des non-dits, des postures, des regards, des choses qu'on ne dit pas forcément mais qui crient très forts
Les mercredis se déroulent chez le père, dans son "squat de luxe" imprégné par l'odeur de cigarette. Et quand l'électricité fait défaut, la lueur des bougies se prête aux histoires rocambolesques et aux pitreries de celui-ci. Pas de misère ni de pitié dans l'écriture d'Anatole Edouard Nicolo. L'auteur aime raconter la beauté des petits riens, du pas grand-chose.
Des racines solides
Un mariage express à la mairie, des alliances en plastique tirées d'un paquet de lessive et un voyage de noces en auto-stop jusqu'au Mans, les parents d'Anatole et G. possèdent un côté très excentrique. Un quotidien et une vie trop conventionnelle mettent fin à leur couple et les poussent à prendre des chemins différents.
Si le lectorat a une vision partielle de la mère, se contentant de savoir qu'elle élève en solo ses deux garçons, tout en reprenant des études de psychologie, le personnage du père est plus développé. Fumeur invétéré au look de clochard, porteur de tongs par tous les temps et féru de liberté, il n'hésite pas à prendre la défense de son fils lorsque celui-ci doit rendre des comptes à la suite d'actes de vandalisme.
Les parents d'Anatole et G. ont beau être séparés, ils s'accordent sur le fait que leurs fils doivent s'engager à fond dans ce qui les passionne. Derrière le côté bohème, les racines sont solides.
Le temps de l'envol
Comme dans la vraie vie, "A l'ombre des choses" est rythmé par des moments charnières. Divorce des parents, arrivée au foyer social et surtout départ du frère pour Paris. Etouffant dans sa ville moyenne, G. quitte les siens à l'âge de quatorze ans. Rêvant de percer dans le monde du rap, il y parvient après avoir effectué plusieurs petits boulots en parallèle.
J'étais une ombre. Et je la maudissais. Je voulais que le soleil me frappe au visage, éclaire ma vie ordinaire de tous ses rayons.
Rêveur et introverti, Anatole grandit dans l'ombre de son grand frère. Le football est sa première échappée avant de bifurquer vers la littérature. Son parcours sera encore semé de quelques embûches avant qu'il ne réalise son rêve de publier un premier roman.
Dans les premières pages d'"A l'ombre des choses", Anatole Edouard Nicolo donne ce préambule: "Une histoire vraie avec des mensonges", à vous donc, lecteurs et lectrices, de démêler le faux du vrai.
Sarah Clément/ld
Anatole Edouard Nicolo, "A l'ombre des choses", Calmann-Lévy, août 2024.
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