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Caroline Coutau: "Les maisons d'édition se font beaucoup draguer par les plateformes vidéos"

L'invitée de La Matinale - Caroline Coutau, directrice des éditions Zoé
L'invitée de La Matinale - Caroline Coutau, directrice des éditions Zoé / La Matinale / 10 min. / aujourd'hui à 07:00
Plusieurs œuvres d'auteurs et autrices romands ont récemment été adaptées en film ou série. Invitée dans La Matinale, Caroline Coutau, directrice des éditions Zoé, explique que les plateformes vidéos sont avides de romans afin de générer du contenu.

Les romans d'auteurs romands ont la cote au cinéma. Fin juin sortait en salles "L'enfant qui mesurait le monde", du Genevois Metin Arditi. En février prochain, "Hiver à Sokcho" de l'autrice jurassienne Elisa Shua Dusapin, sera adapté sur grand et petit écran. Le polar "En eau salée" du journaliste romand Fabien Feissli donnera quant à lui lieu à une mini-série prochainement.

Ce phénomène "est dû à l'essor des plateformes, qui sont en recherche de contenu", explique dans La Matinale Caroline Coutau, directrice de la maison d'édition Zoé, qui a notamment édité les romans d'Elisa Shua Dusapin. "Adapter un roman permet de s'emparer d'une histoire déjà écrite. Plutôt que de trouver un scénariste qui doit inventer une histoire, vous demandez à un scénariste de se contenter de l'adapter."

"C'est vrai qu'on se fait beaucoup draguer par ces producteurs", sourit-elle, précisant que tous les projets n'aboutissent pas. "Sur cinq achats de droits, il y a un film qui se fait."

Recherche d'une atmosphère

Reste à savoir pourquoi la littérature romande séduit autant les producteurs. Caroline Coutau a sa théorie. Dans la zone francophone, le cinéma est un cinéma d'auteur, où le scénario est écrit par le réalisateur lui-même, souvent avec l'aide d'un scénariste.

"Et ce qui les intéresse, c'est non pas une histoire linéaire déjà toute faite avec une aventure, mais une atmosphère, un climat. Et je pense que dans la littérature suisse romande, vous avez souvent des romans atmosphériques."

Parfois, l'auteur ne veut même pas qu'on dise que le film est une adaptation de son roman. En général, c'est quand il a été totalement horrifié par le film

Caroline Coutau

Une fois les droits achetés, l'adaptation peut se faire de plusieurs manières. L'écrivain est parfois pleinement intégré dans le processus, avec la casquette de coscénariste. Il peut également ne pas participer au scénario, mais être présent et disponible pour des questions ou pour aider le réalisateur à choisir entre plusieurs options. "Hiver à Sokcho" a été adapté de cette manière.

Finalement, "il y a une troisième option, où l'auteur ne veut même pas apparaître dans le générique. Il ne veut même pas qu'on dise que le film est une adaptation de son roman. En général, c'est quand l'auteur a été totalement horrifié par ce qu'est devenu son roman en film."

Manne financière limitée

Caroline Coutau explique que les adaptations constituent "un business un peu à part". Les éditions Zoé ont un agent dédié aux droits à l'étranger, qui s'occupe en particulier du cinéma. "Ce sont des contrats qui font quasiment 100 pages." Une fois que tout est confirmé, que les options et les achats sont signés, "l'auteur reçoit 50%, l'agent 20% et l'éditeur 30% de l'argent gagné".

L'éditrice prévient toutefois que la manne financière reste limitée. "On doit se partager à peu près 40'000 francs." Mais elle n'est pas à l'abri d'une bonne surprise. "On ne sait pas, peut-être que le film va avoir un succès public exceptionnel. Et là, ça peut devenir très intéressant financièrement."

J'ai déjà assez à faire avec l'objectif de publier et de promouvoir de bons textes avant de penser aux films

Caroline Coutau

Reste que la maison Zoé ne cherche pas activement à ce que ses romans soient adaptés. "Les démarches se font dans l'autre sens. Vous avez des producteurs qui cherchent via des mots-clés. Moi ça me paraît un peu un autre monde, mais sur les plateformes, il y a des demandes pour des mots-clés comme viol, inceste, histoire familiale, climat, sexualité ou je ne sais pas quoi. Et il y a des romans qui vont répondre à ces mots-clés."

Dans le cadre des éditions Zoé, cela se fait principalement par le bouche-à-oreille, détaille Caroline Coutau. "J'ai déjà assez à faire avec l'objectif de publier et de promouvoir de bons textes avant de penser aux films." Et si une adaptation se fait, l'intérêt principal n'est pas financier. "C'est le Graal, parce que c'est passionnant de voir comment on s'empare de votre histoire et des personnages avec lesquels on a vécu pendant des années lors de l'écriture du livre."

Propos recueillis par Aleksandra Planinic

Version web: Antoine Schaub

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