"Du même bois" est une fiction, pourtant Marion Fayolle s’est grandement inspirée de son enfance pour l’écrire. Elle est née et a grandi dans une ferme située en France, dans la campagne ardéchoise. Transmise de génération en génération, la maison familiale a été vendue lorsque son oncle est parti à la retraite.
"Je me suis sentie un peu responsable de ne pas donner suite à l’histoire familiale de la ferme et de ne pas la reprendre. C’est pourquoi j’ai voulu écrire ce roman", confie-t-elle au podcast littéraire QWERTZ du 5 mars.
Les mots au service des images
Auteure de bandes dessinées remarquées comme "Les amours suspendues" en 2017 ou "La maison nue" en 2022, Marion Fayolle est aussi illustratrice de presse pour M, le magazine du Monde, le New York Times et le New Yorker.
Après la vente de la maison de son enfance, l’écrivaine française a senti le besoin d’offrir le témoignage de cette vie rurale qu’elle a vécue et qui est en elle. Pour le rédiger, elle s’est emparée des mots et non des bulles, un choix qui s’est imposé à elle. En écrivant son récit, ce sont des images qui lui sont apparues, mais ce sont des mots que l’autrice a couchés sur le papier.
Mon dessin est très naïf. De plus, quand je dessine, mes personnages n’ont pas d’âge, ce sont des pantins. Je voulais raconter une histoire familiale avec des vieux et des plus jeunes.
Les bêtes en héritage
Une petite fille incarne le fil rouge de l’histoire. Et c’est à travers ce personnage que le lectorat traverse les saisons, côtoie mémé, pépé, les bêtes de l’étable et la montagne composée de verdure et de cailloux. Née dans cette ferme, la jeune femme y grandit, découvre la sexualité, tombe amoureuse, finit par devenir à son tour mère en mettant au monde un "petitou".
Mais depuis l’enfance s’agite en elle une bête qui la rend différente des autres membres de la communauté. A cause d’elle, la gamine est révoltée, moins docile, sauvage et mélancolique. Cet animal qui l’habite la pousse à dessiner et à prendre en photo les vaches plutôt que de les traire.
Manger en silence
"Du même bois" est un roman qui dépeint la ruralité, mais qui questionne aussi l’hérédité, au sens universel du terme. Car l'enfant hérite à la fois d’un troupeau de bêtes et d’un héritage intérieur, farouche et indomptable.
De l’accouchement du veau au printemps qui libère le taureau pour ensemencer les vaches en passant par le dégel, la narratrice raconte un quotidien empreint de dureté et ponctué de silence. Dans ce milieu agricole, décrit par l’écrivaine, la parole peut être dangereuse. Car nommer les choses les font exister.
La mère de la gamine est vigilante, elle guette les failles, empêche que ça tremble. Elle dit que la montagne se brise d’avoir voulu trop parler, que c’est parce qu’elle ouvre trop grande la bouche que sa croûte se désunit. Alors si le ton monte, que ça commence à se dire les choses, elle exige le silence.
Ainsi, les liens familiaux se tissent dans les moments de labeur. Par exemple lorsque l’oncle et la tante raclent ensemble l’étable, avec rudesse et sans paroles. Ou encore lorsque les enfants mettent la table et que l’on mange en silence, avant que la nuit ne tombe.
Layla Shlonsky/mh
Marion Fayolle, "Du même bois", éditions Gallimard, janvier 2024.
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