Il y a cinquante ans, la carrière du romancier Stephen King a décollé grâce à "Carrie"

Carrie est le personnage principal éponyme du premier roman de Stephen King en 1974. C'est une fille mal dans sa peau, harcelée par sa classe, torturée par sa mère hyper bigote, et dont les pouvoirs télékinétiques gagnent en puissance lors de ses premières règles et se déchaînent dans le sang et le feu après la plus terrible des humiliations .

Bien sûr, "Carrie" est aussi une adaptation cinématographique en 1976 par un réalisateur qui ne demande que la consécration: Brian De Palma. Il a déjà réalisé l'incroyable "Phantom of The Paradise", mais pas encore "Blow Out" ni "Scarface". Stephen King a 26 ans quand il cède les droits de son roman pour 2500 dollars. Il ignore que dans les cinquante ans qui vont suivre, ses livres seront adaptés dans pas moins d’une centaine de productions.

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Dans le lycée de la petite ville de Chamberlain, aux Etats-Unis, Carrie n'a pas sa place. Mise à l'écart par ses camarades, elle n'est pas aidée par sa mère, qui lui impose une éducation religieuse stricte. Mais Carrie sent qu'elle n’est pas comme les autres. En secret, elle explore ses dons de télékinésie.

Un jour, sous les douches de l'école, elle a ses premières règles. Ignorante de ce qui lui arrive - car sa mère ne lui a bien sûr rien appris à ce propos, Carrie panique, appelle à l'aide. Les filles se moquent d'elle et lui balancent des serviettes et des tampons sous les encouragements de Chris, la peste harceleuse. La directrice arrive, tout le monde se calme. Chris la vilaine est punie et n'aura pas le droit d'assister au bal de promo.

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Chris décide de se venger: elle fait en sorte que Carrie soit la reine du bal et, au moment du couronnement, fait tomber sur elle un seau rempli de sang de cochon. Tout le monde est hilare. Carrie est à bout. Elle décide de se venger avec sa télékinésie. Evidemment, tout cela finit très mal.

Le premier roman de Stephen King aurait bien pu finir dans la benne à papier si l'épouse de l'écrivain n'avait pas récupéré les premières pages dans la poubelle et dit à son mari qu'il tenait là une bonne histoire. Tabitha King est elle aussi écrivaine.

Alors Stephen King s'exécute, mais il a de la peine à se mettre dans la peau d'une adolescente qui vit ses premières règles. Alors sa femme lui propose de l'aider. Pour le personnage de Carrie, Stephen King s'inspire de deux jeunes filles de son voisinage, harcelées par leur classe: l'une est issue d'une famille bigote, l'autre a si peu d'argent qu'elle met tous les jours les mêmes habits.

Et puis il y a la télékinésie: la capacité à modifier la matière, faire se déplacer les objets et manipuler son entourage par la force mentale. Des super-pouvoirs déjà vus dans la littérature puisque les plus grands télékinésistes de l'histoire se trouvent dans la Bible: Moïse, capable de déplacer l'eau, et Jésus, qui multiplie les petits pains et guérit les malades. Mais jamais la littérature n'avait fait intervenir le surnaturel dans la banalité du quotidien et la violence de relations adolescentes. Aujourd'hui, de nombreux spécialistes estiment que Stephen King est un grand écrivain du social.

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Le 3 mai 1974, "Carrie" sort en librairie. Si la première version n'est pas vraiment un carton, il faudra attendre la version en format poche pour que le succès soit au rendez-vous et que les ventes atteignent sans difficulté le million d'exemplaires écoulés rien que durant la première année.

Le succès de "Carrie" va tout changer pour Stephen King, qui se lance dans les six mois suivants sa publication dans une phase d'écriture intense et va consolider son image d'écrivain d'horreur. Il pose les bases d'un futur best-seller, "Salem", mais aussi de "Blaze", un roman qu'il va publier sous le pseudonyme de Richard Bachman.

Le réalisateur Brian De Palma a dévoré et adoré "Carrie". Il insiste auprès des studios qui ont racheté les droits pour être celui qui portera le roman à l'écran. Pour jouer Carrie, on pense à Melanie Griffith, mais une jeune actrice, Sissy Spacek débarque au casting. Elle a passé de la vaseline dans ses cheveux, s'est barbouillé le visage de saleté et porte une vieille robe toute déchirée. Il n'en faut pas plus pour qu'elle obtienne le rôle, au côté notamment d'un John Travolta débutant.

Avec son mini-budget de 1,8 millions de dollars, mais ses ambiances terrifiantes et angoissantes, "Carrie" le film a tout pour séduire le public et donc être rentable. Bingo: il rapporte près de 35 millions de dollars.

Avec une fille mal dans sa peau, quelques seaux de sang de cochon et des pouvoirs surnaturels, Stephen King vient de changer l'histoire de la littérature et celle du cinéma par la même occasion.

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Editions Albin Michel - Shane Leonard