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"Journal d'Arizona", épopée souvenir dans l'intimité américaine de Chantal Thomas

L'écrivaine Chantal Thomas. [DR - Philippe Matsas]
Entretien avec Chantal Thomas, autrice de "Journal d'Arizona" / QWERTZ / 19 min. / le 30 mai 2024
En 1982, Chantal Thomas, alors professeure de français, part enseigner la littérature du XVIIIe à l'Université de Tucson, aux Etats-Unis. Saisie par la beauté des lieux, l'écrivaine consigne ses émotions, les rencontres et sa soif de liberté dans son "Journal d'Arizona" qu'elle rouvre aujourd'hui.

Il suffit parfois d'un hasard, d'un refus, pour qu'une banquise se transforme en désert, pour que l'Alaska devienne l'Arizona. En 1981, Chantal Thomas est à New York. Mais son besoin d'aventure la pousse à postuler pour enseigner un semestre ailleurs aux Etats-Unis. Elle aime le froid, rêve de blanc, de neige et de chiens de traineaux; elle se retrouve dans le vert bouteille des cactus-cierges, le mauve des montagnes et le rouge des fleurs du désert.

De ce voyage au printemps 1982 sur les pas de Jack Kerouac, de Georges Simenon, d'Antonin Artaud, l'auteure n'attend rien, si ce n'est ce besoin d'explorer une liberté de vivre. Citadine parachutée dans le pays des voitures, elle explore à pied, puis à vélo ce territoire, s'adapte, lutine, observe, tisse des amitiés, et rêve beaucoup.

Récit d'un choix de vie entre racines et ailes

Conçu comme un journal de bord, émaillé de réminiscences, devenant planche botanique et ouvroir d'espérances, Chantal Thomas glisse dans ce récit intime des mots, des observations, parfois des citations des auteurs qu'elle lit, ou qu'elle enseigne. C'est un ouvrage de fragments, d'amoncellements où les souvenirs ont des tailles variables.

C'est le propre des notations de journal d'être dans l'instant même et donc de ne pas se développer en grande narration, sauf par moments.

Chantal Thomas, autrice de "Journal d'Arizona"

Mais ces notations à vif sont aussi dues au lieu, à son mode de vie très solitaire qui la mettent dans une sorte d'état réceptif particulier. La voilà sensible à l'ordinaire qui en devient poésie. Elle y voit de l'étrangeté, souvent atténuée par la plume des auteurs, Jack Kerouac en tête, qui lui ont préparé son Arizona.

J'avais déjà traversé deux fois de New York à San Francisco, je connaissais ces paysages, mais ce qui était nouveau, c'était d'y vivre et je pense que ça m'a rendue plus sensible à la singularité, à la relativité aussi de ce que j'enseignais alors.

Chantal Thomas, autrice de "Journal d'Arizona"

Les mesures, les distances, l'horizon, la nature, la sécheresse, tout ou presque lui plaît. Dans son Arizona, Chantal Thomas se veut libre, fait le choix de cette fraicheur, de la singularité du lieu, de la clarté de l'air qui ne ressemble à rien d'autre et que l'on ne trouve que dans le désert. "On boit cet air désaltérant et on a cette sensation de limpidité", souligne l'auteure qui, jeune femme, a fait le choix d'être un corps et un esprit dans un espace particulier. "Journal d'Arizona" est le récit d'un ancrage dans une réalité géographique autre, si spectaculaire, qu'il nous permet d'habiter le vide et d'en témoigner.

Catherine Fattebert/ld

Chantal Thomas, "Journal d'Arizona", ed. du Seuil/Fiction & Cie, mai 2024.

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