Paul Auster est décédé à son domicile de Brooklyn, à New York, a indiqué le quotidien, qui cite une amie du romancier, Jacki Lyden. "Paul s'est éteint ce soir, chez lui, entouré de ses proches", a-t-elle indiqué. Son épouse, l'écrivaine Siri Hustvedt, avait annoncé l'an dernier qu'il souffrait d'un cancer. Malgré sa maladie, il a achevé un dernier livre à la tonalité nostalgique, "Baumgartner", sorti en traduction française en mars dernier chez Actes Sud.
Invitée dans La Matinale de la RTS, la libraire et organisatrice du festival de littérature américaine d'Oron-la-Ville Marie Musy, "c'est un des derniers monstres de la littérature américaine qui s'en va".
Icône littéraire new-yorkaise
Né en 1947 dans l'Etat du New Jersey, Paul Auster est devenu une icône littéraire de New York. Auteur de plus d'une trentaine de livres, il a été traduit dans plus de 40 langues. Plusieurs de ses romans creusent le thème du hasard et des coïncidences qui changent le destin de ses personnages.
Dans "Cité de Verre", "Revenants" et "La Chambre dérobée" qui forment la "Trilogie", ses personnages partent à la recherche de leur identité à la manière de détectives dans le labyrinthe de Manhattan hérissé de gratte-ciels où tout n'est que reflets et faux semblants.
"C'était un auteur extrêmement intelligent, avec des constructions narratives parfois un petit peu complexes, labyrinthiques, mais qui, en même temps, restait parfaitement lisible par un grand public", affirme Marie Musy.
Succès en Europe
Après avoir étudié à l'Université Columbia de New York la littérature française, italienne et britannique, il s'installe à Paris. Il y vit de 1971 à 1975 et traduit des poètes français, mais il doit multiplier les emplois avant de pouvoir vivre de ses livres. L'héritage de son père mort en 1979 lui permet de se consacrer à l'écriture.
Il s'est fait connaître en 1982 avec "L'invention de la solitude", un roman autobiographique où il tente de cerner la personnalité de son père. Le romancier perce en 1987 sur la scène internationale, notamment en Europe, avec sa "Trilogie new-yorkaise", un roman noir qui s'inspire du genre policier. Ecrivain vénéré en France, il reçoit le Prix Médicis étranger pour le "Léviathan" en 1993.
Très populaire dans les pays francophones, Paul Auster leur a permis de découvrir une Amérique "un peu différente", estime Marie Musy. "C'est peut-être l'écrivain américain qui a le plus amené l'Amérique en francophonie", dit-elle.
Scénariste aussi
Egalement scénariste, Paul Auster a contribué au film "Smoke", qui dresse le portrait d'âmes perdues gravitant autour d'un débit de tabac de Brooklyn, et sa suite "Brooklyn Boogie", deux films qu'il réalise avec Wayne Wang. Parmi ses autres oeuvres à succès figurent notamment "Moon Palace", "Le Livre des illusions" et "Brooklyn Follies".
Selon Marie Musy, son style littéraire se prêtait particulièrement bien au cinéma. "C'était une écriture quand même très imagée", estime la libraire. "Il avait des textes qui faisaient surgir des images dans le cerveau du lecteur".
Quant au principal intéressé, il confiait dans l'émission Vertigo du 7 mars 2019 que le monde du cinéma lui était très plaisant: "Quand j'étais jeune, j'étais un grand sportif, je faisais des sports collectifs", confie-t-il. "Après, en devenant écrivain, j'étais tout le temps seul. Le cinéma m'a permis de retrouver cet esprit d'équipe."
Un processus d'écriture particulier
L'écriture n'a pas toujours coulé de source pour l'écrivain américain. "Mon chemin a été long et difficile, admettait églement Paul Auster dans cet entretien. Depuis mes 15-16 ans, j'ai toujours voulu être écrivain. A l'époque, j'écrivais des poèmes et des milliers de pages de manuscrits. J'écrivais tout le temps, mais je n'étais jamais satisfait".
Les années passent, le succès arrive, et la rédaction de ses livres passe toujours par le même processus: "J'écris toujours avec un stylo, un porte-plume et un cahier, explique Paul Auster. La méthode, un peu bizarre, mais qui marche pour moi, consiste à écrire (longuement) un paragraphe. Quand c'est plus ou moins terminé, je le tape à la machine à écrire pour que ce soit propre, net. Puis, je retourne à mon carnet pour m'atteler à un nouveau paragraphe".
edel/sc avec afp