Masao est ouvrier rectifieur sur l’île de Naoshima. Les jours et les heures s’égrènent à la cadence des pièces qu'il fabrique, du labeur de l’usine et des trajets en ferry qui le conduisent de son lieu d’habitation à son lieu de travail. Un jour, ce sont les contours de l’existence de Masao qui vont être rectifiés. Harumi, sa fille, qu’il n’a pas vue depuis quatorze ans, l’attend à la sortie de son travail.
C'est elle qui approche. Lui demeure immobile, les bras le long des flancs. Elle approche encore, son sourire est une lueur lointaine.
Avec douceur, sobriété et une écriture peuplée de silences, Antoine Choplin transmet dans "La barque de Masao" des émotions intimes, une ponctuation calquée sur la respiration de ses personnages. Celle de Masao en particulier, figure discrète d'origine modeste dont la vie de labeur a participé à façonner des îles désormais habitées par des artistes et des touristes. Masao est de ceux qui ont nettoyé les déchets toxiques de l'île de Teshima, désormais dédiée à l'art et sur laquelle séjourne sa fille Harumi devenue architecte.
Des routes qui se rejoignent
A la disparition de sa mère, Harumi a été élevée par ses grands-parents. Lors d'une nuit funeste, à l’âge de six ans, alors qu’elle se trouve en visite auprès de son père veilleur de phare sur l’île d’Ogijima, un événement se produit qui a pour conséquence de couper définitivement les ponts entre eux. Aujourd’hui Harumi est occupée à la réalisation d'une pièce muséale sur l’île de Teshima, non loin de celle de Naoshima où travaille son père, et c'est l'occasion qu'elle saisit pour reprendre contact avec lui.
C'est un peu le carburant de la plupart de mes écrits, le silence est dans la vie, le silence est dans la relation et paradoxalement quelqu'un qui écrit... doit aussi pouvoir se taire.
Leurs rencontres ont la saveur des paysages, des lumières, et du rythme des vagues des îles de la mer intérieure du Japon. Père et fille apprennent à se connaître, comblent les trous et renouent avec leur histoire. Au milieu de ces retrouvailles, empreintes d'une grande pudeur toute nippone, brille tel un phare dans la nuit l’omniprésente et pourtant disparue Kazue, la mère d’Harumi. Une artiste dont la singularité est à l’origine de l’histoire d’amour de ses parents.
"La barque de Masao" est un roman à l'écriture sensuelle qui s'écoule dans l'esprit des lecteurs et lectrices comme l'eau qui relie les îles et les personnages d'Antoine Choplin.
Céline O’Clin/sf
Antoine Choplin, "La barque de Masao", éd. Buchet-Chastel, août 2024.
Dédicaces au "Livre sur les quais" à Morges, du 30 août au 1er septembre 2024.
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