C'est beau. Ces trois mots peuvent sembler bien banals comparés à des besoins fondamentaux tels que manger, respirer, vivre en paix ou avoir un toit. Et pourtant la beauté est un besoin vital nous explique Laurence Devillairs dans "La splendeur du monde". Selon la philosophe, l'humanité a urgemment besoin de sentir qu'elle fait partie de quelque chose de grand, d'inoubliable et de vrai.
Accessible à tous
Pas besoin d'être une historienne de l'art, un musicologue ou quelqu'un de raffiné pour apprécier la beauté. Un vol de martinets au-dessus de la gare Montparnasse et un petit bosquet sur la ligne du TGV Paris-Besançon font partie des expériences esthétiques marquantes dans la vie de Laurence Devillairs.
La splendeur du monde est toujours comme une épiphanie: quelque chose survient que l'on n’attendait pas, brille et insiste comme une évidence – resplendit.
Pour la philosophe, la splendeur s'apparente donc à une révélation qui surprend. Mais attention à ne pas la confondre avec le sublime qui écrase, ou le merveilleux qui induit un jugement et une certaine distance.
Nature et culture dans le même camp
Les tournesols d'un champ ou ceux peints par Van Gogh doivent être considérés avec la même attention, avertit Laurence Devillairs. L'autrice s'est sentie bouleversée lors de son entrée dans le fjord d'Oslo, aux côtés d'un vieil homme. Un moment de communion silencieuse avec les montagnes, la mer et la forêt.
Autre splendeur, culturelle cette fois-ci, celle d'un tableau de Brueghel intitulé "Chasseurs dans la neige" (1565). "Quand je prends la peine de réellement voir ce tableau, j'ai l'impression de sentir l'odeur de la neige et celle du cochon grillé. L'expérience est totale, comme une transcendance. Il y a plus à voir, à ressentir, à comprendre, à toucher que je m'y attendais", détaille de manière enthousiaste Laurence Devillairs dans un entretien accordé au podcast QWERTZ.
Quelques conseils
Si la beauté et la splendeur sont par essence accessibles à tous, une large majorité y reste imperméable. Dans le monde idéal de Laurence Devillairs, l'éducation esthétique (musique, peinture, poésie, promenades dans la nature) serait enseignée à l'école. La philosophe milite également pour une république du beau, qui impliquerait un devoir d'attention et de respect.
Le beau ouvre au bien, au bonheur et à la vérité. Avec cette disposition esthétique, on parvient à une vérité profonde sur ce que c'est d'être au monde, ce que ça signifie de vivre… Il y a peu d'expériences qui révèlent tout ça.
Pour réussir cette communion charnelle et intellectuelle, la philosophe incite à prendre le temps – trois minutes minimum – devant un paysage, un tableau, une poésie, ou un détail qui vous touche. Et pour fixer ces moments où l'on est saisi par la beauté, quoi de mieux que de l'inscrire dans un carnet de splendeurs, car selon elle "tout ce qui est profond mérite d'être noté".
Sarah Clément/aq
Laurence Devillairs, "La splendeur du monde. Aller à la rencontre de la beauté", ed. Stock, mai 2024.
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