"La terrasse", ode à l'empathie et aux vies fantasmées signée Christine Montalbetti
Le nouveau roman de Christine Montalbetti se déroule sur une seule journée, depuis la terrasse d'un hôtel au Portugal. C'est l'été; un figuier, un muret, des tables et une piscine constituent le décor de cette scène.
Un écrivain, le narrateur, y est assis en silence. Il observe. Le bruissement du vent, les pieds trépidants, presque orchestraux du serveur qui se balade de table en table, les dialogues de certains couples au-dessus de leur tasse de café. Toutes ces vies faites de petites actions imperceptibles nourrissent son imaginaire dont il nous fait part dans ce texte qui s'apparente à un exercice de style brillamment écrit.
Une terrasse inspirée du réel
Dans son roman, l'écrivaine française ne situe jamais précisément le lieu de "La terrasse"; cependant, elle s'est inspirée d'un endroit réel, cher à son cœur. Un espace indissociable de l'intimité et de l'émotion. "On y est comme dans un cocon dans cette terrasse, car c'est le moment privilégié des vacances et en même temps, se trouver loin de chez soi, fait que tout à coup on est rendu à soi-même. Et cette terrasse qui semblait une oasis devient aussi une chambre d'écho de l'intime, ainsi qu'un catalyseur de la tristesse", détaille-t-elle dans le podcast Qwertz du 19 septembre.
En plus du lieu, elle s'est également inspirée d'un serveur du café qu'elle connaît: "C'est un petit monsieur avec un petit ventre rond. Cette silhouette m'a beaucoup touchée et c'est pour ça qu'il est entré dans le roman".
Dans l'histoire, il s'appelle Tiago et sans sa présence rien n'existerait. Pas de café ou de petits-déjeuners; sans son activité, cette terrasse d'hôtel n'aurait pas de sens. Tiago, c'est l'âme du lieu: il a toujours vécu à cet endroit, alors que tous les autres personnages sont de passage. Et complètement fictionnels.
L'empathie au cœur de l'écriture
Le choix d'un narrateur masculin permet à Christine Montalbetti de créer un véritable personnage de fiction et de le mettre à distance d'elle-même, afin de ne pas offrir au lectorat un simple carnet autobiographique dans lequel elle aurait consigné ses impressions.
Paradoxalement, ce choix s'inscrit dans un désir de s'approcher encore plus de l'existence humaine, de ses révélations, du détail, et d'aller encore plus loin dans l'émotion de l'empathie, "un sentiment qui est au cœur même de l'acte d'écrire, mais aussi au cœur de la lecture. Car lire, c'est entrer dans la pensée d'un personnage différent et similaire à soi".
Tout ce que ça contient, un corps, de passé et d'histoire, de mémoire, de souvenirs et de désirs, d'espoirs et de déceptions, tout ce que c'est d'incroyable, une personne, une existence. Et comment chaque fois en dedans, c'est un mélange singulier et unique. J'entrais dans ces vies parce que chacune aurait pu être la mienne
La joie du déguisement
Cette joie du déguisement, Christine Montalbetti l'avait déjà explorée dans son roman "Western" paru en 2005, dans lequel elle se mettait dans la peau d'un cow-boy, ou encore dans "L'évaporation de l'oncle" (2011), récit qui se déroule dans le Japon ancien. La possibilité à chaque fois d'être quelqu'un d'autre, l'espace d'une centaine de pages.
Dans ce nouvel ouvrage, Christine Montalbetti invite le lectorat à observer avec une curiosité enfantine, presque salutaire, autrui et le monde qui l'entoure.
Layla Shlonsky/ld
Christine Montalbetti, "La terrasse", éd. P.O.L., août 2024.
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