Dominik Flammer a consacré plus de dix ans de recherche au patrimoine culinaire alpin suisse. Il a aussi voyagé à travers l’arc alpin en compagnie du photographe Sylvan Müller pour partir à la rencontre de producteurs. L'objectif: découvrir ou redécouvrir des traditions culinaires et des produits atypiques.
Un périple raconté dans son livre "Das kulinarische Erbe der Alpen" aux éditions AT, avec les portraits des producteurs et des dizaines de sources historiques. Ragoût de marmotte, chocolat des forêts, lentilles des Alpes, viande de chat ou saucisses des pauvres, autant de plats qui ont longtemps fait partie des assiettes des Suisses avant de disparaître progressivement.
>> À écouter: les cinq épisodes de la série de l’émission On en parle consacrée au patrimoine culinaire alpin : Série "le patrimoine culinaire alpin"
La disparition, puis réapparition des légumineuses
Autrefois florissantes en Suisse - il en existait plus de 200 sortes -, les cultures de lentilles ont petit à petit cédé leur place aux pommes de terre et au riz. "L'année 1800, les Suisses consommaient encore environ trente kilos par personne de légumineuses. Il y a vingt ans, c'était 300 grammes, explique Dominik Flammer dans l’émission On en parle du 14 octobre. Les gens ont commencé à manger presque trop de viande et ont oublié qu'il existait aussi les légumineuses. Je crois que c'était à cause de l'industrialisation et de l'augmentation des salaires. À la fin du XIXᵉ siècle, peu de personnes mangeaient des légumes, on ne connaissait pas les vitamines. Les recherches à ce sujet n’ont commencé qu’au début du XXᵉ siècle."
L'arrivée de la pomme de terre a aussi contribué à la disparition des légumineuses, mais aussi à celle de l’avoine. Plus dense en calories, la pomme de terre est rapidement adoptée par les Suisses, qui la marient avec du fromage.
Avec l’essor des mouvements végétariens et végétaliens, les légumineuses reviennent à la mode aujourd’hui. Le spécialiste précise qu’aujourd’hui, les Suisses consomment deux kilos de légumineuses par an. "Des agriculteurs dans les Grisons ont recommencé à cultiver les lentilles. Il y a aussi quelques agriculteurs dans la région de Genève et dans le canton de Schaffhouse", ajoute Dominik Flammer.
Famines et viandes atypiques
Aujourd’hui absente de la plupart des cartes des restaurants suisses, la marmotte a pourtant longtemps été consommée dans les Alpes. "Je voulais consacrer un chapitre de mon livre à l'histoire des animaux qu'on mange dans l'arc alpin, explique Dominik Flammer, montrer ce que les gens mangeaient quand il y avait des grandes famines. On sait que dans les Grisons, les familles sortaient en hiver pour chercher les marmottes dans leur cave pour avoir de la viande."
D’autres viandes étaient aussi consommées, dont certaines choqueraient aujourd’hui. "De nos jours, il est très difficile de trouver un seul chasseur qui me donne la viande de blaireau, de renard ou de marmotte pour que je puisse faire un ragoût. Mais il y a trente ans, c'était la normalité. Au XIXe siècle, la plupart des gens connaissaient le goût de la viande de chien ou de chats. À Bâle au XVIᵉ siècle, le chat était la viande la plus importante de la ville: 30 à 40 % de toute la viande consommée était de la viande de chat."
Sujet radio: Maya Chollet
Adaptation web: Myriam Semaani
Dominik Flammer et Sylvan Müller, "Das kulinarische Erbe der Alpen", éd. AT Verlag.