Elle a la plume légère qui oscille entre poésie et performance. Et pour cause, venue de la scène, la performeuse et metteuse en scène Louis Bentkowski signe un premier roman original qui interroge le jeu des origines, des filiations, des imaginaires collectifs. Ici, ce n’est pas le corps qui se démène, mais l’esprit qui se couche sur le papier en fragments.
"Constellucination" est une œuvre hybride qui traverse avec verdeur et audace les genres, les formes et les frontières narratives. C’est un récit constellé d’imaginaires et de ces légendes qui forment nos socles familiaux. "Je ne voulais pas qu’on ait accès à un résultat, mais plutôt à un processus. J’avais envie que l’objet même fasse preuve d’un élargissement", dit l’autrice dans le podcast QWERTZ du 13 décembre. Un élargissement qui n’est possible, pour elle, que par l’écriture.
Constellation et hallucinations
D’un jeu de mot, d’un marabout de ficelle en selle de cheval, Louise Bentkowski explore la famille, la sienne, entre passé et futur. On y croise ses ancêtres venus d’une vallée de l’Indus, établis en Pologne dans une autre vallée dont elle porte désormais le nom, et son-sa futur.e arrière-arrière-arrière-arrière-petit.e-enfant qu’elle imagine récipiendaire de cette généalogie à dimension universelle.
Tout cela part d’une intense conviction que mes parentés, déjà établies, étaient bien au-delà de ce qu’on pouvait penser de l’idée commune de famille.
La constellation familiale remise en cause et mise en mot s’étire dans un lyrisme à portée chamanique. Les fragments, que l’autrice nomme "chants", se font le reflet d’une tradition orale, ancestrale. Le mythe des origines s’inscrit dans le verbe en une juxtaposition de mots et d’images.
Le chant du signe
Dans "Constellucination", Louise Bentkowski s’arroge le droit de tout. De poser des questions sur les flux migratoires comme sur les légendes inuits, de s’interroger sur la mort d’un arrière-grand-oncle dans un camp de concentration et sur le prénom de sa grand-mère, Marguerite.
En laissant de la place à l’inachevé et au vide, comme autant de silences qui permettent de reprendre notre souffle, Louise Bentkowski tisse une toile à contre-courant. Une expérience littéraire contemporaine qui se vit plus comme une expérience qu’une linéarité et qui nous permet de nous pencher, à notre tour, sur nos propres mythologies familiales et le poids de nos noms.
Catherine Fattebert/olhor
Louise Bentkowski, "Constellucination", Editions Verdier, collection Chaoïd, août 2024.
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