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"Prime Time" de Maxime Chattam, suffocante prise d'otage en direct à la télévision

L'écrivain français Maxime Chattam. [AFP - Joel Saget]
L'écrivain français Maxime Chattam. - [AFP - Joel Saget]
Avec "Prime Time", le maître du suspense Maxime Chattam déploie tout son art dans un récit qui mêle action et négociation. Il épingle dans cette course effrénée contre la montre le cynisme des médias, les jeux de pouvoirs entre police et politique et les conflits moraux.

A 19h58, le générique du journal TV de la chaîne MDI est lancé, deux minutes avant 20h pour griller la concurrence. Soudain, Paul Daki-Ferrand, le journaliste vedette qui attire chaque soir plus de six millions de téléspectateurs devant l'écran, est pris en otage par un homme masqué et armé.

Avec sang-froid et détermination, le ravisseur, alias Kratos, un pistolet automatique pointé sur la tempe du présentateur, annonce la couleur de sa voix synthétisée: "Comme vous pouvez le constater, ce n’est plus votre journal du soir. La situation est sous mon contrôle à partir de maintenant. Si le signal est coupé, Paul sera tué."

>> A écouter: l'interview de Maxime Chattam sur son livre "Prime Time" :

Maxime Chattam, auteur de "Prime Time", ed. Albin Michel, 2024. [Albin Michel - Richard Dumas]Albin Michel - Richard Dumas
Entretien avec Maxime Chattam, auteur de "Prime Time" / QWERTZ / 32 min. / hier à 00:00

Un suspense qui monte en puissance

La nuit sera longue dans les coulisses de MDI, des heures d’angoisse et de stress pour Paul et les autres otages en plateau, pour les responsables du journal en régie, pour Charlène, la cheffe d’édition, médiatrice improvisée entrée en contact avec le preneur d‘otage par oreillette interposée. Yanis, le négociateur du GIGN (Groupe d'intervention de la Gendarmerie nationale), constate qu’elle a su créer un lien de confiance avec le malfaiteur.

Il la laisse poursuivre et la pilote avec un objectif: démasquer Kratos et ses ambitions réelles. S’agit-il d’une vengeance personnelle, d’un appel à l’insurrection, d’un kidnapping avec remise de rançon ou d’une sordide télé-réalité qui n’hésiterait plus à convoquer la mort en direct pour exploser tous les records d’audience?

Avec "Prime Time", le journaliste du thriller n’est pas l’unique otage. Le lecteur est aussi retenu prisonnier malgré lui d’un roman impossible à lâcher tellement le suspense monte en puissance. L’enfermement et l’urgence d’agir, sans mettre en péril la vie des otages, ainsi que la lenteur du récit navigant habilement entre psychologie et action, fonctionnent comme un exhausteur de tension. Maxime Chattam a en plus le bon goût de conclure chacun des courts chapitres par une révélation, une hypothèse à vérifier, un coup de sang sur le plateau, un silence mortifère en régie ou une confidence déroutante d’un protagoniste.

La lecture d’un thriller, ce sont des montagnes russes. Pour le rendre addictif, il faut une tension qui monte et qui descend, un récit qui vous embarque dans une histoire où vous ne savez pas où vous allez et comment vous y allez.

Maxime Chattam, auteur de "Prime Time"

Une société où l'image est reine

Très documenté sur les coulisses d’un JT et sur les méthodes du GIGN, Maxime Chattam distille ses indices au compte-gouttes et s’amuse à envisager toutes les pistes, sérieuses ou farfelues, flirtant finement avec la théorie du complot. Au fil de la nuit, la fatigue aidant, chaque mot prononcé par Charlène, chaque réaction du ravisseur, accentue la fragilité d’une situation déjà précaire, ouvrant la voie à un possible dérapage sanglant. Faut-il ou non donner l’assaut? Que vont choisir les politiques face aux recommandations du GIGN?

Avec ses personnages complexes plongés dans ce huis clos suffocant, contraints de négocier avec leurs failles pour éviter de sombrer ou risquer d’être démasqués, Maxime Chattam dépasse intelligemment le cadre du thriller divertissant pour dénoncer quelques travers de notre société de l’image reine, où la télé s’est imposée comme fournisseur officiel de glauque, de sordide et de peur, où internet joue les premiers rôles, où le public voyeuriste s’accroche à ses écrans, prenant parfois part à l’action.

Mais à qui profite ce crime? Telle est la question qui traverse ce thriller et à laquelle Maxime Chattam, particulièrement bien inspiré, apporte une réponse qui déjoue toutes les attentes dans un épilogue savoureux.

Philippe Congiusti/sf

Maxime Chattam, "Prime Time", éditions Albin Michel, octobre 2024.

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