"Tumiqa" de Nicolas Di Meo, un voyage au Groenland liant l'intime à l'universel
Fin mars 2023, l’auteur et artiste Nicolas Di Meo est admis pour une résidence artistique à bord du "Manguier", un bateau de croisière qui doit traverser la côte Ouest du Groenland. L'immobilisation du navire, pris dans les glaces pendant plus de vingt jours, profite à l’écrivain. Il rédige "Tumiqa", un roman qui prend la forme d’un journal de bord.
Des deuils croisés
L’immobilisme, le silence, la lenteur de son quotidien et la rencontre avec la culture groenlandaise poussent Nicolas Di Meo à se replonger allégrement dans ses propres souvenirs. Il écrit le cancer de son père, la maladie de sa mère, la découverte de son homosexualité, ses amitiés d’enfance.
Ce roman est un hommage à mes parents et notamment à mon père décédé. Quand je suis arrivé au Groenland j’étais face à une population en deuil: face au changement climatique et à l’occidentalisation de leur culture. Et les deux choses se sont liées.
Le départ
Dans une langue délicate et épurée, l’ouvrage se déploie à la manière d’un carnet de voyage, avec comme point de départ le voyage lui-même. D’ailleurs, il s’ouvre par ces lignes: "Nous avions quitté Copenhague depuis plusieurs heures lorsque le continent blanc était apparu. Comme un nuage qui flotte entre l’immensité du ciel et de la mer, disputé par l’horizon et les hommes, cette terre sans maître nous conviait à la rejoindre et à nous perdre dans ses glaces immuables et ses vents brûlants."
Dans cette traversée, le narrateur découvre les légendes inuites souvent peuplées d’animaux et d’éléments météorologiques. Tels que la lune ou encore le soleil. Bouleversé par la rudesse des éléments naturels et la dureté du froid, il mélange son récit intime à la réalité de son quotidien.
Un climat qui bouleverse le quotidien
Il découvre notamment que pour la population inuite, la fonte des glaces a un impact direct sur leur quotidien. Car, plus il fait chaud et plus la banquise fond et plus les voies praticables disparaissent. Et à la population de prendre des bateaux à moteur extrêmement polluants.
Paradoxalement à cette tragique disparition des neiges, il n’y a pas de vrai changement de la part de la population locale qui continue à beaucoup se déplacer en voiture ou en motoneige.
Nicolas Di Meo explique dans le podcast QWERTZ du 11 septembre: "Nous étions beaucoup plus inquiets qu’eux, car leur première préoccupation est de savoir comment manger et comment chasser". Une réalité extrêmement bien décrite dans ce roman.
Quelle trace laisse-t-on à la postérité?
Né à Fribourg, Nicolas Di Meo grandit dans un HLM, il est fils unique de ses deux parents. Son père, un immigré italien travailleur et rêveur, lui transmet en héritage une puissante propension à l’imaginaire. En appelant son roman "Tumiqa", qui veut dire "traces", Nicolas Di Meo pose la question de la postérité. Que laisserons-nous aux prochains? De quoi sommes-nous construits? Le roman devient alors la sienne, de trace.
Formé à l’école de multimédias et d’art de Fribourg, l’auteur arrive à l’écriture par un chemin atypique et parsemé d’images.
"Selon moi, l'écriture est à la base de tout ce qui se crée et de tout ce qui se fait dans une œuvre artistique, dit Nicolas Di Meo. Elle est, pour moi, la substance même de n'importe quelle création. Donc c'est vrai que de revenir à l'écriture, c'est quand même le point le plus essentiel. Car elle permet d’offrir directement une émotion à autrui".
Layla Shlonsky/sf
Nicolas Di Meo, "Tumiqa", éditions La Veilleuse, août 2024.
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