Le 10 avril 2019, tandis que l'humanité découvre pour la première fois la photographie fascinante de M87, un trou noir, Abel Fleck, un jeune homme touché par un AVC, contemple avec angoisse un point lumineux sur une radiographie de son cerveau. Dès lors, cette "singularité" devient son obsession. Abel n'a de cesse de voir des parallèles entre ce qui se passe dans sa tête et ce trou noir que l'on vient de photographier, jusqu'à se penser lui-même trou noir.
Un trou noir est par essence impossible à représenter
Bastien Hauser, partant de cet espace situé près des constellations de la Chevelure de Bérénice et de la Vierge, nous entraîne vers l'infini, vers ce quasar, pointant l'indicible, l'impossible. Car un trou noir, c'est une étoile qui meurt, qui s'effondre sur elle-même et qui engloutit les soleils. Mais en même temps, personne ne sait ce qu'il s'y passe vraiment.
Scientifiquement, on ne sait pas expliquer un trou noir. Et à partir de là, je trouve que c'est beau en termes de fiction, en termes d'imaginaire, d'avoir la possibilité d'un tel espace. Ça donne envie d'essayer d'imaginer ce que ça pourrait être.
Fasciné par les histoires, parce qu'elles rendent possible et ce qu'elles emportent avec elles de mystère, l'écrivain s'amuse en s'adjugeant la possibilité de ne pas figer les choses et de toujours naviguer dans un univers symbolique. Son personnage se place face à l'univers et s'interroge sur comment trouver sa propre lumière. Petit à petit, Abel, devenant trou noir, se détache toujours plus de cette réalité objective qui existe et qui est représentée par la science.
J'avais envie d'explorer ce qu'on ressent face à cette masse d'informations et de connaissances sur des objets célestes complètement fous. Qu'est-ce que cette immensité-là provoque à l'intérieur de nous?
Une voie vers la vérité
Récit du doute, l'interrogation se loge dans les béances du savoir. Abel, confronté à sa propre mortalité, à sa "maladie", sa "singularité", écarte bien vite le médical et trouve dans le doute une voie vers la vérité et la compréhension de son être profond. En scrutant le ciel, il devient son propre cosmos et se persuade que ce n'est pas seulement à travers de grands télescopes qu'on peut observer des trous noirs, mais qu'on peut aussi en avoir au fond de soi.
Avec ce roman sur le droit de se réinventer, opérant ce mouvement constant vers "une singularité", Bastien Hauser livre un récit à vocation initiatique où l’imaginaire déjoue le concret en nous encourageant à faire de même.
Catherine Fattebert/mh
Bastien Hauser, "Une singularité", éd. Actes Sud, mars 2024.
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