Comme toutes les religions monothéistes, l'islam est fondé sur la violence et la guerre, explique Adonis: "Ces violences étaient liées à la tribu et on a continué jusqu'à maintenant. On est toujours dans le commencement".
La religion est devenue une arme pour garder le pouvoir, dénonce le poète: "Il faut commencer par la séparation de la religion et de l'Etat. L'islam doit se transformer en religion intime et personnelle. En faisant cela, on libère les sociétés".
"Il faut changer la société et pas seulement le pouvoir"
S'il a cru au Printemps arabe en Egypte en 2011, Adonis n'a jamais cautionné celui qui est apparu en Syrie, car "il est sorti des mosquées". Il faut, insiste-t-il, changer les sociétés et pas seulement le pouvoir: "Il n'y a jamais eu une seule pétition exigeant officiellement la libération de la femme dans la loi islamique, ni de pétition exigeant la séparation de la religion de l'Etat".
La civilisation arabe, ajoute l'intellectuel, est confrontée à un problème intérieur: "Nous sommes un peuple qui a des idées passéistes. On ne peut pas régler les problèmes du présent avec les lumières du passé".
"La civilisation arabe est coincée"
Son constat pour l'avenir est sombre: "on est coincé. On n'a pas de personnalité. On n'a pas d'identité. On n'a pas de culture (...) Nous vivons notre fin, comme les Sumériens, les Babyloniens, les Grecs, les Romains ou les pharaons... La civilisation arabe est en train de mourir".
Adonis veut toutefois garder espoir: "On ne peut pas être désespéré d'un peuple (...) Un peuple peut arriver un jour à trouver des solutions à ses problèmes".
Karine Vasarino/hend
Entre prison et poésie
Né en 1930 en Syrie, près de Lattaquié, Ali Ahmed Saïd Esber, de son vrai nom, est scolarisé dans un collège français. A l'âge de 17 ans, il adopte son pseudonyme d'Adonis, inspiré par un personnage de la mythologie grecque. Quitter son nom musulman et chiite, dit-il, représente un accès symbolique à l'universel et à la création.
En 1955, il est condamné à 6 mois de prison en Syrie pour son appartenance au Part nationaliste, un mouvement laïque de gauche. Il décide donc de s'exiler au Liban. La guerre civile le pousse ensuite à se réfugier en France, dans les années 1980. Depuis, il a acquis la nationalité française et demeure un écrivain de référence dans le monde arabe, dont le nom est souvent évoqué pour le prix Nobel.