S’il n’a jamais désespéré de pouvoir communiquer avec ses semblables, le poète Philippe Jaccottet n’en a pas moins tenté une œuvre d’une grande exigence, sans concession, dans le sillage de Roud, Mandelstam, Rilke ou Musil. Une œuvre élaborée dans l’"effacement" depuis 1945 (voir ci-dessous).
Sous le signe de Mandelstam
Dans un portrait télévisé diffusé en 1975, à voir ci-dessous, Phlippe Jaccottet définissait la poésie comme une nécessité, une respiration telle que le poète russe Ossip Mandelstam a pu la ressentir après avoir été emprisonné, puis exilé au Goulag où il mourut en 1938.
Une recherche de clarté
Opposé au lyrisme et à ses facilités d’expression, Jaccottet s’est également voulu attentif aux réalités les plus quotidiennes. De ses émotions premières, il a fait des poèmes dépouillés, en choisissant lui-même une position de retrait pour aiguiser son regard sur les choses.
Un effacement lumineux
Par les hasards des circonstances, mais aussi par volonté de quitter les sollicitations urbaines, Jaccottet s’est établi à Grignan en France avec son épouse dès 1953. Il y a trouvé les conditions d’un repli propice à son travail et le besoin d’une respiration avec les éléments naturels.
Offrez-vous un poème
Pour marquer son 91e anniversaire, florilège de quelques rares mises en musique ou en parole de la poésie de Philippe Jaccottet, par lui-même, ou par de plus jeunes admirateurs.
Sous le signe de Roud
Légataire universel des œuvres de Gustave Roud, Jaccottet en a remarquablement saisi les enjeux. Comme les Romantiques allemands, le poète de Carrouge s’angoissait de ne plus pouvoir dire l’émerveillement d’être au monde. Sa poésie a donc commencé quand tout menaçait, dans la modernité, de la faire taire.
Christian Ciocca / aq
Biographie
Philippe Jaccottet est né à Moudon en 1925. Il passe sa jeunesse en Suisse avant de partir en France. Il habite à Grignan dans la Drôme provençale depuis 1953. Poète du paysage, mais aussi des traces que le passage de l'homme y a laissées, il a construit une oeuvre poétique multiple, exigeante, oscillant entre le doute et l'émerveillement. Considéré comme l'un des plus grands poètes suisses et français du XXe siècle il a reçu de nombreuses distinctions. Parmi son oeuvre, on peut citer les recueils "L'effraie et autres poésies" (1953), "Poésie 1946-1967" (1971) ou encore "La lumière d'hiver" (1977).
En plus de son travail de poète, Philippe Jaccottet est aussi journaliste, critique littéraire et il a traduit de nombreux auteurs allemands (Musil, Mann, Hölderlin), italiens (Ungaretti, Leopardi, Cassola), espagnols (Gongora), grecs (Homère, L'Odyssée) ou russes (Mandelstam).
Une poésie de l'effacement
Pour définir le genre poétique de Philippe Jaccottet, on parle communément de "poésie de l'effacement", un terme qui vient de l'un de ses vers: "L’effacement soit ma façon de resplendir." Par là, on entend l'absence du sujet dans le texte, une certaine modestie et une retenue.