Les livres de Roald Dahl se sont vendus, à ce jour, à plus de 250 millions d’exemplaires de par le monde. À l’occasion de son centenaire, les éditions Gallimard republient certains de ses livres et livres audio, magnifiquement illustrés par Quentin Blake.
De son vivant déjà, Dahl était un classique. Aujourd’hui encore, on le lit et on l’étudie. Le cinéma aussi ne cesse de s’inspirer de lui. Steven Spielberg a réalisé cette année "Le Bon Gros Géant", tandis que Sam Mendes devrait s’attaquer prochainement à "James et la grosse pêche", sous la houlette de Disney. Avant eux, Wes Anderson ("Fantastique Maître Renard") ou Tim Burton ("Charlie et la chocolaterie") s’étaient déjà frottés à son univers.
Un grand provocateur
Alors pourquoi Roald Dahl reste-t-il l’un des meilleurs auteurs pour enfants au monde? "Il a une touche provocatrice très appétissante", répond Nadina Radeva Girod, professeure d’anglais au Collège Voltaire, à Genève, et passionnée de Roald Dahl. "C’est un magicien qui a l’art de toujours nous surprendre, même après plusieurs lectures. Ses petits héros, comme Matilda ou Charlie, brisent les règles de comportement en société".
Roald Dahl n’a pas peur de confronter les enfants au traumatisme, à la mort, à la cruauté.
Roald Dahl a baigné dans des mythes scandinaves peuplés d’êtres monstrueux. Les histoires que lui raconte sa mère le soir l’empêchent parfois de dormir. Voilà sans doute pourquoi, dans ses textes, on rencontre d’odieuses grand-mères, des sorcières qui préparent un génocide d’enfants, des gredins qui se gavent de spaghetti aux lombrics.
"Roald Dahl reste gravé dans nos mémoires parce qu’il fait perdurer cette tradition millénaire. Il touche des veines archaïques et archétypales, comme "Le Petit Poucet" ou "Blanche-Neige", qui contiennent des éléments épouvantables. Tout cela dérive des mythes. L’homme aime créer de la peur pour pouvoir ensuite l’affronter dans le réel. Et Roald Dahl met à jour cette tradition. Il est sur une voie éternelle. C’est ce qui rend ses écrits aussi précieux", conclut Nadina Radeva Girod.
Raphaële Bouchet / aq
Pilote et espion
Né dans une famille riche, mais endeuillé très tôt par la mort quasi simultanée de son père et de sa grande sœur, Dahl a fréquenté de chics internats anglais où les adultes pouvaient laisser libre cours à leur méchanceté. A la lecture de "Moi, Boy", sa passionnante autobiographie, on comprend qu’il a été très marqué par ses années d’apprentissage, qu’il vit dans une grande solitude. Dans ses livres, ses petits héros sont des enfants marginalisés, parfois pauvres ou orphelins, toujours redoutablement intelligents.
Avant d’écrire, Roald Dahl a été pilote et même espion. Il a travaillé quelque temps à Hollywood, y a conçu les Gremlins - ces créatures ne prendront forme que quarante ans plus tard, dans le film culte de Joe Dante. Roald Dahl, ami de l’écrivain Ian Fleming, scénarisera même un James Bond, Il épousera Patricia Neal, l’actrice, dont il aura cinq enfants. Il commence par écrire pour les adultes – Hitchcock a adapté sept de ses nouvelles – et on raconte que c’est pour ses propres enfants qu’il se met à inventer les récits que l’on sait, au début des années soixante.