Isabelle Falconnier est l'instigatrice de Lausan’noir, émanation de la Fondation pour l’Écrit en coproduction avec la Ville de Lausanne. En constatant le succès de la Scène du crime au Salon international du livre et de la presse de Genève depuis des années, sa présidente a tenu à créer le premier festival thématique de Suisse entièrement consacré au genre, à Lausanne. Ville aux airs faussement paisibles qui inspire nombre d'auteurs du noir.
A Genève, à Lausanne et ailleurs, le constat est le même: les lecteurs sont toujours plus friands d'intrigues inscrites dans un paysage familier. Michel Bory et son inspecteur Perrin, Corinne Jaquet et son commissaire Simon font partie de ceux qui ont répondu à cette tendance dès les années 1990. Depuis, de nombreux écrivains confirmés se sont emparés du genre comme nouveau champ d'investigation littéraire. Jacques-Etienne Bovard, Nicolas Verdan, Jérôme Meizoz, Anne Cuneo et tant d’autres ont contribué à rendre légitime un territoire littéraire trop souvent déconsidéré, réduit à un simple divertissement.
Identité du polar romand
Existe-t-il un dénominateur commun capable de réunir toutes les productions de polars en Suisse romande? Isabelle Falconnier l’affirme: les auteurs d’ici ne se la jouent pas, leurs héros ne sont pas des super-héros mais des personnages accessibles qui permettent à leur lecteurs de s’identifier. Proximité des lieux, proximité des personnages.
L'éditeur Giuseppe Merrone, lui, nuance. Le polar romand existe comme réalité institutionnelle (édition, diffusion) mais certainement pas du point de vue littéraire. Certes, l’ancrage dans le paysage local prévaut, mais il n’existe aucun code particulier aux auteurs romands. Ceux-ci s’engagent dans le polar en se référant à des fondamentaux universaux qui ont fait leur preuve dans d’autres traditions littéraires.
Au delà du bien et du mal
"Education du regard", dit Giuseppe Merrone. Le noir est une école critique capable de remettre en question des catégories universelles comme le bien et le mal. Autant les romans traditionnels ont toujours placé le bien du côté de l’enquêteur et le mal du côté du suspect, autant les auteurs contemporains se sont émancipés d’une telle dichotomie.
Daniel Abimi qui a publié chez Bernard Campiche Editeur deux romans ("Le Dernier échangeur" et "Le Cadeau de Noël") fait partie de ceux-ci. Ancien délégué du CICR, il affirme avoir perdu toute notion de bien et de mal à travers les missions qu'il a accomplies. Ex-journaliste à la rubrique locale du quotidien 24Heures, il est resté très attaché à la réalité du terrain. Le roman noir constitue pour lui un formidable territoire de liberté pour approcher l'épaisseur humaine des personnages. Finalement, le polar comme prétexte à sonder la matière humaine.
Jean-Marie Felix/mh
Polar, le mot et la chose
Pour saluer la première édition du festival Lausan'noir, la revue "Le Persil" publie un numéro spécial "polar romand". Son maître d’œuvre, l’éditeur Giuseppe Merrone, l’affirme dans l’édito: "Le polar est d’abord une éducation du regard."
De quoi parle-t-on quand on dit polar? Selon Giuseppe Merrone, polar est un terme générique dont l’étymologie grecque se réfère à la cité. C’est donc naturellement que le polar se situe le plus souvent dans un milieu urbain. Il existe des sous-genres tels que le roman policier, le thriller et le roman noir. Le premier contient forcément une scène de crime, une enquête et une résolution alors que le roman noir et le thriller peuvent s’en passer.
Ces termes sont cependant à utiliser avec précaution car tous les livres ne répondent pas à une telle typologie, et les frontières entre un sous-genre et un autre sont parfois ténues. Littérature du noir, ou le noir sont des termes qui légitiment ce champ littéraire aux fondements universaux.