"Et, d'abord, sache que le monde où tu vis est un monde effrayant." Cette phrase de Victor Hugo est en exergue du livre de Yann Moix, "Terreur", paru chez Grasset. Et c'est donc, bien sûr, de l'époque dont il est question dans ce livre, dans cet essai sur la terreur contemporaine. Le XXIe siècle s'est ouvert avec le 11 septembre 2001, il se poursuit, aujourd'hui, sur le continent européen, avec les attentats en France, de Charlie Hebdo, de l'Hyper Casher et du Bataclan.
"Terreur" est une compilation de notes, prises au jour le jour, arrangées en 31 chapitres, dont le dernier est une page quasi vierge, qui laisse la place aux mots qui diront l'attentat qui n'a pas encore eu lieu.
Un regard d'écrivain
Yann Moix pose un regard d'écrivain sur les événements terroristes, sur la sidération qui l'a saisi et qui a saisi ses contemporains. Et dans le magma des explications, dans la débauche d'analyses qu'on lit partout, parmi ces tentatives "touchantes", comme il les qualifie dans son livre, qui tentent d'injecter du sens dans ce qui n'en a pas, il livre à son tour sa pensée en train de cheminer: des fragments - des aphorismes - qui reflètent cette réalité désormais brisée, morcelée et parfois en lambeau.
Contrairement à un Blaise Cendrars, qui a raconté la Première Guerre mondiale dans une fiction, ou contrairement à Céline - l'un de ses auteurs fétiche - qui a injecté dans son "Voyage au bout de la nuit" son écrasement d'ex-soldat, il choisit la forme de l'essai, de l'essai "explosé", et non pas celle de la fiction, pour tenter de dire ce que François Hollande a qualifié de "guerre".
Les terroristes et nous
"Il y a des gens dont on s'étonne qu'ils nous haïssent, alors que nous nous haïssons nous-même". Pourquoi la France se déteste-t-elle à ce point?", s'interroge-t-il au micro de Versus-lire.
Pour Yann Moix, ce qui est sidérant, c'est le décalage de temporalité entre nous et les terroristes. "Les terroristes habitent dans un temps qui n'existe pas. Est-ce que c'est un futur antérieur, est-ce que c'est un présent postérieur ?". Pour l'essayiste français ce n'est pas la cible qui compte pour les terroristes, mais le moment choisi pour perpétrer l'attentat. "Ils ont le temps entre leurs mains", déclare-t-il.
La France est en guerre contre une bande de gamins dopés à la créatine de séries B qui posent avec des kalachnikovs, se prennent pour des héros et abattent dans le dos des femmes et des enfants. Des mômes paumés qui ont l’âge de s’occuper des filles, du foot et des boîtes de nuit réussissent néanmoins à faire peur.
"J’aime Polanski et je hais la Suisse"
Invité vendredi dans l'émission "Versus-lire", Yann Moix revient sur la polémique suscitée par ses propos tenus en 2010 autour de l'affaire Polanski. Sous prétexte de défendre le réalisateur, assigné à résidence en Suisse, l'écrivain français comparait la Suisse à une prostituée et il décrivait un pays antisémite qui ne sait "rien faire" et ne "sert à rien".
"J'ai reçu 6000 menaces de mort avec des gens qui m'envoyaient sur internet des photos de la balle qui allait me trouer le corps", raconte-t-il au micro de la RTS.
Pour Yann Moix "La meute", l'essai qui a déclenché le courroux helvète, n'était qu'un pamphlet.
Linn Levy/ld/mcc
Yann Moix, écrivain, réalisateur et chroniqueur
Yann Moix s'est fait connaître avec "Jubilation vers le ciel", en 1996, pour lequel il a reçu le Goncourt du premier roman. En 2013, il reçoit le Renaudot, pour son pavé "Naissance". Entre les deux, il publie notamment un pamphlet intitulé "La Meute", en 2010, plaidoyer en faveur de Roman Polanski et contre la Suisse, qu'il traite de "pute".
Il est aussi réalisateur, notamment du film "Podium". Et est chroniqueur à la télévision française dans l'émission "On n'est pas couchés", de Laurent Ruquier.