Des coups de gueule, on en trouve beaucoup dans "L'amour, accessoires", le livre de Fleur Breteau. Coup de gueule contre les designers de vibromasseurs. Pourquoi ce sont toujours des hommes?
Coup de gueule contre ceux qui pratiquent la sodomie brutale pour faire comme dans les films. Coup de gueule contre ceux qui veulent nous faire croire que le point G n'existe pas alors qu'ils ne l'ont pas trouvé.
Coup de gueule contre les canards vibrants bourrés de phtalates, un produit chimique qui rend stérile et donne le cancer et qu'on retrouve un petit peu partout dans les objets de la vie quotidienne.
Une expérience vécue
Tous ces détails, Fleur Breteau est bien placée pour nous en parler. Elle a travaillé six ans dans un magasin d'accessoires érotiques. Pas le genre de supermarché du cul planqué dans les zones industrielles des grandes villes.
Son magasin à elle, c'est plutôt une playlist de bon goût, des objets avec une certaine exigence esthétique, une adresse en plein centre ville, un endroit plutôt raffiné dont le but est de dédramatiser l'utilisation des sextoys, de les faire entrer dans la vie quotidienne des amoureux. Parce que finalement c'est quand même un outil qui aide à réfléchir au plaisir, à diversifier sa sexualité, et tout cela, c'est censé rendre plus heureux.
Pas de solution miracle
Le risque, c'est de penser qu'il existe un objet, un produit qui réponde à tous les désordres intimes. Cela ne s'applique pas qu'à la sexologie, bien sûr, c'est un peu le fléau de l'époque, et ça, c'est le plus gros coup de gueule de Fleur Breteau.
On est dans un monde où [...] il faut être performant à tous les niveaux, être un super bon parent, être un super collègue, être un très bon professionnel, un super ami, en plus de ça il faut avoir des loisirs classieux, culturels, etc, il y a un moment où dans la sphère intime, on a des défaillances, des vulnérabilités et le monde marchand nous fait croire qu'en dépensant de l'argent on va régler nos problèmes.
Un livre plein d'humour
Fleur Breteau, c'est une drôle de commerçante. Elle a beaucoup d'humour, on rit énormément dans ce livre où il n'y a pas que de la colère. Mais drôle aussi car son truc préféré, c'est de voir repartir ses clients les mains vides. Les mains vides mais les idées pleines.
Elle conseille ainsi de prendre le temps de s'acheter une bonne bouteille de rouge et de la déguster avec son fromage préféré. Apparemment, c'est plus efficace qu'un plug anal pour retrouver le bonheur conjugal. En tous cas c'est le conseil qu'elle donne dans certains cas. Il faut dire qu'elle en voit passer de très différents.
Comme l'agriculteur qui souffre de solitude et qui s'achète un masturbateur pour changer des poules, la mère de famille qui vient de se faire plaquer et qui préfère se faire du bien plutôt que de prendre des antidépresseurs, des parents débordés qui feraient mieux de partir en week-end, une femme qui voudrait changer les idées de son mari malade…
Une réflexion sur la société actuelle
Enfin, Fleur Breteau c'est une drôle de commerçante parce qu'elle est surtout psychologue. Beaucoup de personnages défilent dans sa boutique, mais il n'y a que deux types de clients. Ceux qui font un usage ludique du sextoy et assument de prendre leur pied en se faisant fouetter le derrière ou déguisés en infirmières... et les autres.
Toute la complexité de ces magasins c'est les personnes qui viennent en pensant [...] qu'en dépensant 19,90 euros ou 49,90 euros, on va régler un problème affectif, sexuel, amoureux. C'est une illusion. On n'est pas chez un marchand de bricolage, s'il y a une fuite dans le couple on ne va pas leur coller une rustine pour le réparer.
Ce que nous dit Fleur Breteau dans ce livre, c'est surtout que l'épanouissement sexuel, cela ne s'achète pas. Parce qu'il y a autant de manière de s'aimer que d'amoureux sur Terre.
Après lecture, on se dit qu'il y a quand même un ou deux dénominateurs communs dans l'épanouissement sexuel: le consentement mutuel, bien sûr, mais aussi le fait de lutter contre la pensée sexuelle unique, c'est-à-dire contre tous les dictats que veut nous imposer la société aujourd'hui.
Salomé Kiner/mg
Fleur Breteau, "L'amour, accessoires", éditions Gallimard, 2017