> Jean d'Ormesson, écrivain, académicien, philosophe, amoureux des femmes, de l'Italie et de la littérature, grand admirateur d'Aragon, Stendhal et Simone Veil, est décédé à l'âge de 92 ans.
> L'espiègle nonagénaire venait de terminer un livre qui sortira en janvier: "Et moi je vis toujours".
> Quelques archives de la RTS sur les thèmes qu'il chérissait: la vie, la gaîté, la passion de la littérature, l'admiration portée à certains auteurs, le sens de sa propre finitude, le sentiment d'infini, le goût des choses simples, et Dieu, présent ou absent, mais toujours là.
RTS Culture
Un regard bleu s'est éteint
Un homme qui savait admirer
Jean d'Ormesson est né à Paris le 16 juin 1925. Normalien et agrégé de philosophie, il entreprend une carrière de haut fonctionnaire, notamment à l'Unesco dont il est le secrétaire général (1950-1992). Il fait également partie de plusieurs cabinets ministériels (1958-1965).
Sa carrière littéraire avait explosé en 1971 avec "La Gloire de l'Empire", récompensé par le grand prix de l'Académie française.
En 2015, il avait reçu la récompense suprême de tout écrivain français, être édité dans la collection La Pléiade des éditions Gallimard.
Jean d'Ormesson incarnait l'intellectuel sous toutes ses facettes et cultivait la courtoisie de sa noble ascendance avec simplicité. Au fil de sa vie, Jean d'O - comme on avait fini par le surnommer - est devenu une figure médiatique attachante. Il aimait parler d'amour et des femmes, et dire son admiration des grands hommes et des grandes dames, comme Simone Veil.
L'annonce de ma mort est prématurée mais pas infondée
Hommage de Patrick Ferla
Lettre à Jean d'O
J’emprunte à Jean d’Ormesson, dont on a appris la disparition cette nuit à l’âge de 92 ans, le titre de l’un de ses livres pour lui dire ici: "Au revoir et merci "! Tant de livres, de rencontres, de conversations – ce qu'il aimait par-dessus tout, Jean d’Ormesson, écrivain mais encore philosophe qui disait du monde qu’il était une "Fête en larmes", que la vie, la sienne, "C’était bien". Pour ajouter, quelques années après le cancer qui le frappa en 2013, "Je dirai malgré tout que cette vie fut belle".
Le monde, la vie, la fête. Toute l’œuvre de Jean d’Ormesson est hantée par le temps et sa fuite. Le temps, le big bang, la science et Dieu ("Comme un chant d’espérance"). "Tout le bonheur du monde est dans l’inattendu" disait-il considérant, comme il l’écrivit dans "La Création du monde" que, de part et d’autre de votre présent si fragile, le passé et l’avenir sont des monstres assoiffés de temps".
La passion du destin
Assoiffé de connaissances et de découvertes, immortel, prince des lettres, Jean d’Ormesson – Jean d’O pour les intimes – avait la passion du destin. S’il goûtait aux rencontres et aux débats, s’il aimait tant les médias, c’est à travers les livres et l’écriture qu’il portait un regard amusé sur les petites choses de la vie. Ce regard attendri et joyeux – dire des choses graves avec légèreté – lui a valu au fil des années le succès et la reconnaissance que l’on sait.
Mais l’homme était encore un homme de combat. Au Figaro qu’il dirigea, à l’Académie française où il était entré si jeune, à 54 ans, et dont il força les portes pour y faire entrer - et ce fut un événement, une femme à l’Académie! - Marguerite Yourcenar qu’il reçut en 1981.
Fréquentation des grands auteurs
S’amusant de la littérature - "Longtemps, je me suis demandé ce que j’allais faire de ma vie" ("C’était bien"), Jean d’Ormesson publie en 1996 "Presque rien sur presque tout", une manière de dire avec modestie ce que fut son œuvre au regard des grands auteurs qui, tout au long de son existence, l’ont accompagné: Chateaubriand, Stendhal.
Presque rien sur presque tout…fut le titre de l’une de mes émissions sur RTS-La Première. Il m’avait fait cette amitié.
Cher Jean, écrivain du bonheur, voilà que vous nous quittez et regagnez les étoiles que vous n’avez cessé d’explorer. A la tristesse qui nous envahit, vous répondez par un nouveau livre à paraître au mois de janvier: "Et moi je vis toujours" (Gallimard).
Comme les clowns que vous aimiez tant, les écrivains ne meurent jamais. Ils demeurent dans la mémoire des gens.
Patrick Ferla, ancien producteur radio
Hommage d'Erik Orsenna
Le promeneur du savoir
Jean d'Ormesson était entré à l'Académie française en 1973. Vingt-cinq ans plus tard, Erik Orsenna devenait lui aussi Immortel. De son aîné, il dit, très ému, et dans l'incapacité d'en parler au passé: "C'est un homme qui avait l'élégance et la décision du bonheur. Un formidable promeneur du savoir montrant que la culture générale aide à vivre. Dans ses yeux bleus, on voit l'été, l'Italie, l'amour et Stendhal."
>>> A écouter l'hommage d'un Immortel à un autre:
Jean d'Ormesson, la politesse de la gaieté
Extraits d'interviews
"Ma mère m'a laissé deux recommandations en mourant. Ne parle pas de toi, et ne te fais pas remarquer". Alors il a fait tout l'inverse. Jean dʹOrmesson a parlé de lui et il s'est fait remarquer.
Son origine
Que veut dire être aristocrate aujourd'hui?
Pour Jean d'Ormesson, ce statut a été totalement bouleversé par un XXe siècle dominé par Marx et Freud.
La bourgeoisie
Son salut par le travail
Jean d'Ormesson fait la distinction entre la bourgeoisie et l'aristocratie, non sans humour. Pour la première, l'argent est la récompense du travail, pour la seconde, l'argent ne doit pas compter. Le travail non plus....
Que va devenir le monde
Le jugement dernier
Au lieu de s'interroger sur ce que va devenir le monde, il vaut mieux se demander: "Qu'ai-je fait de ma vie? Pour Jean d'Ormesson "chacun de nous est responsable du monde".
Lui-même reconnaît avoir eu beaucoup de chance et de privilèges, et n'avoir eu comme mérite que de ne point en abuser, sauvé par son inépuisable soif de savoir.
Une vie
Gai et désespéré
"Les cinquante premières années d'une vie, c'est difficile, mais après c'est absolument délicieux" se plaisait à dire Jean d'Ormesson, homme paradoxal, qui vivait en légèreté parce qu'il ne se faisait aucune illusion.
Aragon en épitaphe
Mémoire d'éléphant
En janvier 2016, Darius Rochebin souhaite une heureuse année à Jean d'Ormesson qui, de mémoire, cite le poème d'Aragon qu'il adorait et qui a inspiré l'un des titres de ses romans: "C'est une chose étrange à la fin que le monde".