Tout commence le 12 juillet 1518. A Strasbourg, rien ne va plus. C’est la canicule. La région a subi coup sur coup une série de grands froids et des inondations. Assez de dérèglements pour raviver les épidémies, peste, choléra et autre syphilis. Les greniers sont vides. Une météorite a dégringolé à côté de la ville. Il y a aussi cette peur d’une invasion turque: on y croit dur comme fer! Pire, un certain Luther menacerait de s’en prendre à l’Eglise! Bref, c’est la misère noire.
Danser jusqu'à la mort
Or ce jour-là, les sans-dents, acculés, sont pris d’une fièvre mystérieuse et inédite: ils dansent, ils dansent à mort sans plus pouvoir s’arrêter.
Au centre du bal, un couple bien en chair et attachant: Enneline, une mère infanticide, et Melchior, son homme graveur de métier. La transe infernale durera deux mois! Les autorités, les ecclésiastiques, les savants, les nobles et les bourgeois: chacun y va de son explication. En vain!
Un récit burlesque et sordide
Seul Jean Teulé maîtrise la situation. Non sans malice, il entraîne son lecteur dans la sarabande. Un récit noir, burlesque et sordide à souhait. Comme il les aime. Complètement barré, iconoclaste et irrévérencieux, mais toujours étayé, documenté, exactement au pied de l’Histoire.
L’écrivain maîtrise le verbe et mène ses récits le plus sérieusement du monde. En période d’écriture, c’est assidûment, tous les matins qu’il s’enferme dans son bureau du quartier des Marais à Paris. Appliqué.
La recette a déjà fait merveille. Exemple: "Fleur de tonnerre" en 2013, ou le destin, dans la Bretagne profonde du XIXe siècle, d’Hélène Jégado, la meurtrière la plus terrifiante de tous les temps. Ou encore "Héloïse ouille!", en 2015, l’histoire d’amour gratinée d’Abélard et d’Héloïse, au début du XIIe siècle.
Marlène Métrailler/aq
"Entrez dans la danse", Jean Teulé (Editions Julliard).
Un précurseur de la BD reportage
Jean Teulé naît en 1953 en Normandie. Ses parents s'installent à Arcueil - près de Paris - quand il est encore enfant. Un père charpentier. Une mère concierge à la Mairie d'Arcueil. Bon en dessin, mauvais à l'école! Au début, Jean Teulé échappe de justesse à un apprentissage de mécanicien en dessinant. En 1988 il publie "Gens de France", il lance le genre de la BD reportage, fait un carton auprès du public et s'offre en passant le Prix du Meilleur album à Angoulême 1989.
On l'associe aussitôt au style Raymond Depardon. La télévision vient chercher ce raconteur d'histoires. On le voit quelques années chroniquer dans "L'Assiette Anglaise" et "Nulle part ailleurs", sur Canal+. Un jour une éditrice de Juilliard le convainc de s'essayer à l'écriture. Pourquoi pas? Il entre en écriture en 1990. Abandonne toutes ses autres activités. Les romans tous plus noirs et plus sanglants les uns que les autres se suivent. Le public s'élargit. Les adaptations au cinéma ou en bandes dessinées sont légion. Imperturbable, Jean Teulé ne lâche plus sa plume.