C’est une jeune femme qui en veut. Spécialisée dans le coaching des grands décideurs, Coraline Salamin en veut à l’un des directeurs de Swiss Post, celui qui est chargé de faire le sale boulot par des licenciements massifs.
La business coach considère celui-ci comme responsable du suicide de son frère, buraliste postal mis sur le carreau. En quelques séances de manipulation machiavélique, elle compte bien pousser son client à commettre lui aussi l'irréparable.
Critique sociale de la Suisse d'aujourd'hui
"Le roman noir est pour moi un mode d’expression, une manière de mettre en tension le récit en faisant passer un message, affirme l’auteur. Mon livre est une critique sociale de la Suisse d’aujourd’hui et, en reprenant les codes du genre, je parviens à mieux témoigner d’une forme de violence". Fort de cette conviction, Nicolas Verdan a ouvert à Lausanne en 2015 une librairie et bouquinerie spécialisée dans le roman noir. Son nom: "Molly & Blum", en référence au roman "Ulysse" de James Joyce.
L'effet novlangue
Dans "La Coach", il décrit une société suisse mondialisée, gagnée par la novlangue et l’universalisme économiques. La Poste y est devenue Swiss Post, les CFF Swiss Railways et la RTS Swiss Radio… Au cœur de cette intrigue, une femme d’influence tiraillée entre deux solidarités livre le fond de sa pensée. Coraline Salamin veut venger la mort de son frère qu’elle attribue au libéralisme extrême, et pourtant elle est solidaire du système qui a causé la mort de ce frère.
Regard de journaliste
Nicolas Verdan possède une solide formation de journaliste. Jusqu’en 2010, il a été rédacteur en chef adjoint au quotidien "24Heures". A ce titre, il observe avec un regard acéré l’actualité et l’évolution de notre société.
Le scandale Car Postal constitue la suite de mon roman. On y trouve les mêmes composantes: un discours libéral complètement affranchi, une volonté de profit à tout prix, bien éloignée de la mission du service public.
"Accablement" et "amertume", deux mots que l’écrivain-journaliste emploie volontiers pour exprimer son ressenti accentué par ses origines familiales. Ainsi, en exergue à "La Coach", il fait d’emblée cette révélation:
Mon grand-père était administrateur postal à Vevey. Il a pris sa retraite en 1971, année de ma naissance. Je me demande ce qu'il en penserait de tout ça
"Mon grand-père a lui aussi accompagné des changements en profondeur. A son époque, La Poste faisait partie du paysage suisse. Aujourd’hui, le changement est brutal. Même s’il est considéré comme inéluctable, on ne tient pas compte du mal-être de ceux qui l’éprouvent".
Soulever des questions essentielles
Un roman comme un acte de résistance? L’auteur en est convaincu. Les rencontres qu’il a faites récemment au Salon du livre de Genève, certaines réactions de collègues journalistes lui ont confirmé que ce livre dérange et soulève des questions essentielles. Avec l’effet grossissant que permet la mise en fiction.
Mais les journalistes d’Espace 2 n’en voudront pas à Nicolas Verdan, fervent auditeur de la RTS, si celui-ci égare une petite phrase dans le fil de son récit : "Je passe sur le deuxième programme. Trop de blabla. Depuis quelques mois, la radio me tape sur le système, toujours à parler pour ne rien dire". La preuve du contraire est à portée d’oreille…
Jean-Marie Félix/mcm
Nicolas Verdan, "La Coach", Ed. BSN press