Au milieu des milliers d'histoires de Batman qui existaient déjà, "The Dark Prince Charming", une histoire en deux tomes conçue et réalisée par Enrico Marini fait beaucoup parler dans le monde de la bande dessinée depuis la sortie du premier tome à la fin de l'année dernière. D'une part parce qu'elle est l'oeuvre d'un Européen, presque une folie dans le milieu des Comics, mais aussi parce qu'elle remet en lumière le mythique personnage du Joker.
Copublié par Dargaud et DC Comics, ce diptyque de 150 pages trouve aussi son originalité dans l'univers de son auteur, Enrico Marini. Ce Bâlois d'origine italienne âgé de 48 ans est devenu ces dernières années un grand nom de la bande dessinée avec des séries à succès comme "Gipsy", "Rapaces", "L'Etoile du désert", "Le Scorpion" et plus récemment "Les Aigles de Rome". Des vampires aux épopées romaines en passant par le western, Marini brille par la diversité de sa matière et il n'est pas étonnant de le retrouver dans la noirceur crasse de Gotham City.
Carte blanche pour Marini
Quand on lui a proposé de réécrire l'histoire de Batman, Enrico Marini s'est tout d'abord dit "Merde je n'ai pas le temps", car il travaillait à ce moment-là à de multiples autres projets. Mais "on ne peut pas dire non à Batman", confie-t-il dans des interviews accordés au 19h30 et à Vertigo sur la RTS. Et d'ajouter: "J'ai grandi avec Batman et c'était l'un des personnages de Comics que je préférais en étant enfant. C'était donc un peu un retour à l'enfance que de s'intéresser à lui."
Enrico Marini précise que DC Comics, la maison d'édition qui détient les droits de Batman, lui a laissé carte blanche pour écrire son scénario, mais qu'il savait jusqu'où il pouvait aller et les limites à ne pas franchir. "Il était important que je respecte l'univers de Batman, que je ne m'en moque pas", confie l'auteur bâlois. Il a donc pris le temps pour trouver une bonne idée, s'approprier le personnage de Batman et lui insuffler sa patte tout en respectant la mythologie du justicier masqué.
Celui qui a véritablement été révélé par sa série "Le Scorpion" dit avoir tout de suite su comment représenter Batman et son univers. "J'aurais pu créer un univers plus fou et déjanté, mais je n'en avais pas vraiment envie et je me suis surtout fait plaisir." Et comme il en a l'habitude, Marini a tout fait dans ses BD, du scénario au dessin, une démarche qui frappe dans le milieu des Comics où l'on travaille surtout en équipe, avec un scénariste, un dessinateur, un coloriste et même des gens qui s'occupent du lettrage.
Une attirance pour le Joker
Le point de départ de l'histoire est le kidnapping d'une fillette qui pourrait être l'enfant cachée de Batman. Les soupçons se portent évidemment sur le Joker et commence alors un jeu de chat et souris qui met une nouvelle fois en exergue la rivalité inaltérable entre l'homme aux oreilles de chauve-souris et son meilleur ennemi au sourire sardonique.
C'est d'ailleurs le personnage du Joker qui a le plus intéressé Marini dans sa démarche artistique: "Dans cette histoire, le Joker m'a presque plus fasciné que Batman, j'ai un amour particulier pour lui." Le dessinateur juge que le Joker est tellement à l'opposé de Batman qu'il est facile de s'amuser avec lui. A ses yeux, ces dernières années, ce personnage était devenu plus un monstre sanguinaire qu'un clown. "J'avais donc envie de revenir à une présentation un peu plus drôle de lui, même s'il reste tout de même un psychopathe."
J'aurais envie de boire un café avec le Joker et ensuite me tirer très vite pour rester en vie
Le dessinateur s'amuse aussi des différences qui existent entre les deux héros de l'univers: "Alors que Batman est plus dans l'ombre, plus statique, le Joker est plus jouissif, il aime être sur scène avec les lumières braquées sur lui. Batman a l'air parfois un peu simpliste, car il ne peut pas être fou comme le Joker, qui est un personnage complexe et ambigu. Mais il a d'autres atouts, il est plus posé et réfléchi." Malgré tout le Joker reste un être à part qui attire autant qu'il fait peur: "J'aurais envie de boire un café avec lui et ensuite me tirer très vite pour rester en vie", conclut Enrico Marini.
Frédéric Boillat