"L'Arabe du futur", c'est une bande dessinée exceptionnelle a plus d'un titre. C'est une série déjà vendue à plus de 1,5 million d'albums. Elle est traduite en 21 langues et on chante ses louanges dans le New Yorker, The Guardian et la Frankfurter Allgemeine Zeitung.
On parle d'une BD qui transcende les rayons des librairies spécialisées, qu'on retrouve sur la table du salon d'un type qui ne lit que la Pléiade, comme sur le comptoir d'une coiffeuse ou les rayons de la bibliothèque d'un fan de foot. Tout le monde l'a lue. Parce que c'est extrêmement bien.
Un récit autobiographique
"L'Arabe du futur" est une autobiographie qui raconte la jeunesse de son auteur, Riad Sattouf. Il est né en 1978 d'une maman Bretonne et d'un papa Syrien. Son père est étudiant en histoire à la Sorbonne. Une fois son doctorat obtenu, il va emmener sa femme et son fils au Moyen-Orient, afin de suivre son idéal de gloire panafricaine. Ils vont d'abord déménager dans la Libye de Kadhafi, puis dans la Syrie de son père.
Les trois premiers tomes traitent de la petite enfance de Riad en Syrie et ce quatrième tome met en scène les années 87 à 92. Riad, sa mère et ses deux frères sont alors rentrés en France. Ils habitent en Bretagne près de leur grand-mère maternelle. Leur père travaille en Arabie saoudite. Il y enseigne l'histoire et se rapproche de plus en plus de la religion.
L'adolescence de Riad Sattouf
Riad, de son côté, découvre la vie en France. Il se frotte à une nouvelle réalité pas forcément agréable. Brimades dans la cour de récréation, déceptions amoureuses. Ce sont les prémices de l'adolescence.
Ses parents sont en pleine crise. Sa mère se rebelle face à son mari absent, fabulateur et pingre qui voudrait en faire une femme syrienne. Ce père, quand il revient, désespère de voir son fils devenir de plus en plus Français et claironne ses rêves de grandeur, son envie d'être dans son pays avec richesse et gloire.
Le personnage charismatique du père
Pour Riad, c'est la désillusion. Il découvre un père plein des failles que les lecteurs avaient vues dès le départ. Il est fascinant ce bonhomme. Absent durant le premier chapitre du livre, il nous manque. Car, même si Riad est, comme il se doit, le héros de son autobiographie, c'est son père qui en est le personnage le plus charismatique. Il est sympa, enthousiaste et naïf. Mais aussi profondément antisémite, lâche, et limite facho. Un régal à suivre, mais un enfer à vivre pour la mère de Riad.
En prenant le point de vue de lui enfant, Riad Sattouf nous montre de façon crue et sans jugement les travers de la société de son pays d'origine. "L'Arabe du futur" est un livre pour apprendre la Syrie et le Moyen-Orient. Comme l'a fait Guy Delisle pour la Corée du Nord dans "Pyong Yang", ou Marjane Satrapi pour l'Iran dans "Persepolis".
Drôle et sombre
Le trait de Riad Sattouf est très simple. Il est agréable. Il utilise la couleur pour dire la Syrie en rose et la France en bleu, avec par-ci par-là des taches de rouge qui disent la violence d'un propos ou d'une situation. Mais le dessin n'est pas central dans ce livre. Ce qui nous transporte, c'est l'histoire, à la fois drôle et noire. Surtout dans ce quatrième tome, beaucoup plus sombre que les précédents. Il est aussi plus long, 280 pages, et il aura une suite, qu'on attend déjà.
Didier Charlet/ld