La bande dessinée "Les filles de Salem" nous plonge dans un champ de maïs du Massachusetts en 1692. Une jeune fille, la jolie et gentille Abigail, apporte de l'eau aux travailleurs. Un timide jeune homme lui offre un âne sculpté. Elle est reconnaissante du cadeau, mais il va la précipiter dans un autre monde. Celui des adultes. Elle n'est désormais plus une petite fille.
La brave Abigail est devenue une proie pour les hommes. Pour ne pas attiser leur désir, on lui rase la tête, on la cache sous un voile et on lui ordonne de baisser les yeux quand elle les croise.
L'arrivée du démon
Arrive la pluie qui s'abat sur la ville et fait pourrir le seigle. La famine menace, l'inquiétude règne et le prédicateur en profite pour rassembler les villageois inquiets sous sa coupe. Il sermonne les hommes. Le diable est là! Il les guette!
Est-ce l'homme noir, cet Indien au visage peint qui rôde autour de la ville? Satan réside-t-il dans la taverne des sœurs Bishop, lieu de perdition et de beuverie? Le malin est-il caché dans d'innocentes créatures comme Abigail ou Sarah Good, la simple d'esprit du village?
Rapidement, les accusations de sorcellerie fusent et certains témoignent de possessions démoniaques. Est-ce la faim, la consommation d'ergot de seigle ou simplement la harangue du dévot puritain qui poussent la petite communauté dans une transe frénétique? Peu importe, il va y avoir du sang.
Quelques planches de la BD "Les filles de Salem"
L'histoire des sorcières de Salem
Dans "Les filles de Salem", Thomas Gilbert raconte le procès qui a déjà déchaîné maintes plumes. Il a pris le point de vue d'Abigail Williams, l'une des filles soi-disant possédées, qui fera les frais d'une inquisition stupide et ignorante.
Pour l'auteur, il s'agit d'une histoire de femmes. De femmes amoureuses, jalouses, fortes, intelligentes. Des femmes qui voient le monde qui les entoure et qui essaient de le comprendre. Et ça, les hommes, n'aiment pas. C'est une histoire d'incompréhension de l'autre, de viol sordide et d'injustice totale qui est racontée avec un tantinet trop d'insistance dans ce livre.
Les traits crus d'une histoire sombre
Les couleurs sont vives, puis de plus en plus sombres quand le récit tombe lui-même dans l'obscurantisme. Les traits sont tantôt maladroits et parfois crus, voire carrément gore. Le dessin privilégie le malaise ventral au plaisir des yeux. Quand tout se déglingue, le découpage devient frénétique, anxiogène. Presque trop. Mais la matière brute, l'histoire vraie de ce procès, est elle aussi mâtinée d'abus.
Presque 200 pages qui laissent un goût amer dans la bouche. Une histoire vieille de plus de 300 ans, mais qui malheureusement, n'a pas pris une ride.
Didier Charlet/ld